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LA PREMIÈRE CHIQUENAUDE

la vérité de la foi catholique. » Sa théorie du mouvement des sphères célestes, où notre principe de l’inertie se trouve en puissance, paraît à ses yeux comme le commentaire mécanique du texte où la Genèse contemple le repos divin, au septième jour de la Création.

De la doctrine qui vient d’être formulée, Buridan donnait encore un rapide exposé dans ses Questions sur le traité du Ciel et du Monde. Après avoir expliqué la chute accélérée des graves par un impetus que le mouvement fait croître sans cesse, il écrivait[1] :

« De même que cet impetus est acquis à titre de conséquence du mouvement, de même s’affaiblit-il ou s’évanouit-il par suite de l’affaiblissement ou de l’évanouissement du mouvement.

» On peut faire l’expérience suivante : Mouvez vivement, d’un mouvement de révolution, une meule de forgeron grande et très lourde, puis cessez de la mouvoir ; longtemps encore elle demeurera en mouvement à cause de l’impetus acquis ; et qui plus est vous ne sauriez l’arrêter instantanément. Toutefois, à cause de la résistance de la meule, cet impetus irait sans cesse en diminuant. Si la meule durait toujours, sans éprouver aucune diminution ni aucune altération, et si aucune résistance ne venait corrompre l’impetus, peut-être la meule recevrait-elle de cet impetus un mouvement perpétuel.

» Ainsi pourrait-on imaginer qu’il ne faut pas supposer d’intelligences motrices des orbes célestes. On peut dire, en effet, ceci : Au moment où Dieu a créé les sphères célestes, il a mû chacune d’elles comme il a voulu ; et elles se meuvent encore par l’impetus qu’il leur a donné ; car cet impetus, qui ne rencontre aucune résistance, n’est ni détruit ni diminué. »

Avant de mesurer du regard l’importance de la doctrine que Buridan vient de formuler, il nous faut assurer qu’elle est logiquement construite et, pour cela, procéder à l’examen d’une difficulté.

Cette doctrine consiste essentiellement à regarder un corps céleste comme doué d’un impetus analogue à celui qui réside au sein d’un corps sublunaire en mouvement. Or cette analogie est-elle admissible ? La notion d’impetus, telle que Buridan l’a définie pour les corps graves ou légers, se laisse-t-elle étendre aux orbes célestes ?

1. Questiones super libris de Celo et Mundo magistri Johannis Byridani rectoris Parisius. Lib. II, quæst. XII : Utrum motus, naturalis debet esse velocior in fine quam in principio. Bibl. Royale de Munich, Cod. lat. 19551, fol. 91, b.

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