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LA PREMIÈRE CHIQUENAUDE

identiques à ceux dont ils se meuvent actuellement ; il leur a imprimé alors des impetus par lesquels ils continuent à être mus uniformément ; ces impetus, en effet, ne rencontrant aucune résistance qui leur soit contraire, ne sont jamais ni détruits ni affaiblis. De même disons-nous qu’une pierre lancée en l’air est mue, après qu’elle a quitté la main qui l’a jetée, par un impetus imprimé en elle ; mais la grande résistance qui provient tant du milieu que de l’inclination de la pierre vers un autre lieu, affaiblit continuellement cet impetus et finit par le détruire. Selon cette imagination, il n’est pas nécessaire de poser l’existence d’intelligences qui meuvent les corps célestes d’une manière appropriée ; bien plus, il n’est pas nécessaire que Dieu les meuve, si ce n’est sous forme d’une influence générale, de cette influence par laquelle nous disons qu’il coopère à tout ce qui est. »

Vers la fin du même ouvrage, Buridan reproduit une seconde fois cette explication du mouvement perpétuel des sphères célestes, et voici ce qu’il en dit[1] :

« On ne voit pas dans la Bible qu’il existe des intelligences chargées de communiquer aux orbes célestes le mouvement qui leur est propre ; il est donc permis de montrer qu’il n’y a aucune nécessité à supposer l’existence de telles intelligences. On pourrait dire, en effet, que Dieu, lorsqu’il a créé le Monde, a mû comme il lui a plu chacun des orbes célestes ; il a imprimé à chacun d’eux un impetus qui le meut depuis lors ; en sorte que Dieu n’a plus à mouvoir ces orbes, si ce n’est en exerçant une influence générale, semblable à celle par laquelle il donne son concours à toutes les actions qui se produisent ; c’est ainsi qu’il put se reposer, le septième jour, de l’œuvre qu’il avait achevée, en confiant aux choses créées des actions et des passions mutuelles. Ces impetus que Dieu a imprimés aux corps célestes, ne se sont pas affaiblis ni détruits par la suite du temps parce qu’il n’y avait, en ces corps célestes, aucune inclination vers d’autres mouvements, et qu’il n’y avait, non plus, aucune résistance qui pût corrompre et réprimer ces impetus. Tout cela, je ne le donne pas comme assuré ; je demanderai seulement à Messieurs les Théologiens de m’enseigner comment peuvent se produire toutes ces choses. »

  1. Magistri Johannis Buridani Questiones octavi libri physicorum. Queritur 12o utrum projectum post exitum a manu projicientis moveatur ab aere, vel a quo moveatur. Ms. cit., fol. 106, col. d. — Johannis Buridani Subtilissime questiones super octo phisicorum libros Aristotelis, éd. cit., fol. cxx, col. d, et fol. cxxi, col. a.