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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

d’une manière nécessaire, le conduit au terme vers lequel sa nature le rend le plus apte à mouvoir ; ce terme une fois atteint, il y demeure en repos. Si donc tel ciel ou telle partie du Ciel est apte, par nature, à se mouvoir plutôt vers tel lieu que vers tel autre, ou bien encore si l’intelligence est plus apte à mouvoir vers ce lieu-là que vers celui-ci, si, en outre, l’intelligence meut d’une manière nécessaire, il en résulte que l’intelligence mouvra d’abord vers le premier de ces deux lieux ; lorsque le mobile l’aura atteint, il y demeura naturellement en repos et ne le pourra quitter que par mouvement violent. Donc etc, » On peut, croyons-nous, exprimer de la manière suivante ce qu’il y a d’essentiel dans ces raisonnements de François de la Marche :

Il n’y a aucune raison qui détermine un orbe céleste à se mouvoir dans un sens plutôt qu’en sens contraire ; si donc cet orbe tourne dans tel sens, et non pas en sens opposé, c’est que le moteur de cet orbe est capable de choisir entre deux mouvements équivalents, c’est qu’il est libre, qu’il est doué de liberté d’indifférence.

Notre auteur était bien loin de concevoir que l’orbe céleste fût, à chaque instant, contraint de tourner dans un sens bien déterminé, et cela, par cela seul qu’à l’instant précédent, il tournait déjà dans ce sens.


II
Jean Buridan attribue le mouvement des orbes célestes
à une impulsion initiale et à la loi d’inertie


Guillaume d’Ockam vivait peut-être encore lorsque Jean Buridan commença de composer ses Questions sur la Physique d’Aristote. Ouvrons donc ces Questions et lisons-les.

« Il est une imagination », dit Buridan[1], « que je ne saurais réfuter d’une manière démonstrative. Selon cette imagination, dès la création du Monde, Dieu a mû les Cieux de mouvements

  1. Magistri Johannis Buridani Questiones quarti libri Phisicorum. Queritur nono utrum in motibus gravium et levium ad sua loca naturalia tota successio proveniat ex resistentia medii. Bibl. Nat., fonds latin, ms. 14723, fol. 68, col. c. — Acutissimi philosophi reverendi Magistri Johannis Buridani Subtilissime questiones super octo phisicorum libros Aristotelis. Ed. Parhisiis, 1509, fol. lxxvi, col. c.