Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
320
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

convienne au premier de ces deux corps en propre (per se), et non par accident.

» Ainsi le grave, en tombant meut le milieu ; de ce mouvement résulte ensuite, dans le milieu, une certaine condensation ; partant, c’est à lui que, d’une priorité de nature, le mouvement est dû avant d’être dû au milieu. »

Touchant l’existence d’un temps de repos entre deux mouvements opposés d’un même mobile, Grazadei soutient[1], avec de grands développements, la solution péripatéticienne ; à son avis, il est contradictoire que deux mouvements de sens contraire ne soient pas séparés l’un de l’autre par un temps de repos.

À l’encontre de cette solution, il trouve[2] l’objection classique de la flèche, tirée en l’air, qui heurte une roue en train de tomber. Pour montrer qu’il y a, même en ce cas, un repos intermédiaire entre l’ascension et la descente de la flèche, il raisonne ainsi : « Si la flèche, au moment où elle touche la roue qui tombe, est repoussée par elle, et si cette répulsion la fait retomber, cette répulsion, cependant, ne se peut produire assez subitement pour empêcher la flèche de se reposer pendant un certain temps. » Marsile d’Inghen, dans ses Questions, s’est contenté, de mêmé, d’un aussi pauvre raisonnement.

Au sujet de la chute accélérée des graves, Grazadei reproduit[3] toutes les opinions que fait connaître Simplicius, dont il a soin, d’ailleurs, d’invoquer l’autorité ; la discussion de ces opinions le conduit à cette conclusion : a Avec Aristote et Alexandre, nous dirons qu’en approchant de leurs lieux naturels, les corps graves ou légers reçoivent un accroissement de pesanteur ou de légèreté. »

Le nom de Thémistius, que Grazadei ne prononce pas, eût été, ici, mieux à sa place que le nom d’Alexandre. Alexandre d’Aphrodisias n’admettait pas que le voisinage du centre accrût le poids d’un grave ; il admettait que ce grave, pendant qu’il était violemment détenu hors de son lieu, perdait quelque chose de son poids, et qu’il réparait graduellement cette perte au cours de sa chute. Grazadei, qui expose également cette explication, ne semble pas la distinguer de celle de Thémistius ; et d’ailleurs, il est bien vrai qu’elles reviennent au même.

  1. Gratiadei Esculani Op. laud., lib. VIII, lect. XIV, quæst. I et II ; lec. XV, quæstt. I, II et III ; éd. cit., fol. 89, col. c et d ; fol. 90, col. a, b et c.
  2. Gratiadei Esculani Op. laud., lect. XV, quæst. I ; éd. cit., fol. 90, coll. a et b.
  3. >Gratiadei Esculani Op. laud., lib. VIII, lect. VII, quæst. IV ; éd. cit., fol. 86, col. a, b et c.