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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

agitation si complaisante, le Tractatus de ponderibus^demmadç. maintenant de dire pourquoi un mobile rebondit après qu’il a heurté un obstacle.

À cette explication qui, comme toutes les tentatives analogues de la Dynamique péripatéticienne, nous semble, aujourd’hui, puérile et ridicule, le Tractatus de ponderibus en joint une autre qui est beaucoup plus sensée ; celle-ci fait intervenir les déformations que les diverses parties du mobile éprouvent au moment du choc et les réactions élastiques engendrées par ces déformations.

Cette explication, où l’on ne remarque rien que de correct, était bien propre à solliciter l’attention de ceux qui professaient la Physique, à Paris, au xive siècle. De cette attention, la trace, déjà, se laisse peut-être reconnaître dans les quelques lignes que Jean Buridan consacre au rebondissement après le choc[1] ; elle se trahit certainement dans ce que Marsile d’Inghen dit de ce même effet.

C’est à propos du prétendu repos intermédiaire entre deux mouvements contraires que Marsile d’Inghen parle du rebondissement des corps élastiques. À la théorie de ce repos intermédiaire, notre auteur attribue certainement une grande importance ; dans son Abrégé du livre des Physiques, il la développe au long de cinq colonnes[2] ; dans ses Questions sur les huit livres des Physiques selon la méthode des Nominalistes, il lui consacre toute une question, la dernière[3].

L’opinion de Marsile suit et développe celle d’Albert de Saxe. Comme Jean Buridan, comme Albert de Saxe, il tient pour non convaincants les raisonnements par lesquels, sous peine de contradiction, un repos intermédiaire doit nécessairement séparer deux mouvements contraires l’un à l’autre. Mais il croit qu’en nombre de circonstances, un tel repos intermédiaire est vraiment réalisé, et il en donne des raisons physiques. Ainsi, lorsqu’un projectile est lancé verticalement de bas en haut, un certain temps de repos s’écoule, croit-il, entre le mouvement d’ascension et le mouvement de descente. Le raisonnement par lequel, dans ses Questions, il prétend justifier cette conclusion est la reproduction presque textuelle de celui qu’avait

  1. Vide Supra, p. 209.
  2. Abbreviationes libri phisicorum edite a prestantissimo philosopho Marsilio inguen doctore parisiensi ; fol. avant le fol. sign. 1, col. b, c et d ; fol. sign. 1, col. a et b.
  3. Questiones subtiltssime Johannis Marcilii Inguen ; Super octo libros Physicorum secundum nominalium viam ; lib. VIII, quæst. VIII.