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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

également fort, mais de ce qu’il était débile au sein des parties éloignées du moteur ; puis il est devenu plus fort en se répartissant d’une manière uniforme dans tout le mobile. C’est là, je crois, l’explication la plus probable et la plus aisément soutenable. »

L’effet que Marsile d’Inghen se proposait d’expliquer est dénué de toute réalité ; il est donc oiseux de rechercher si la cause invoquée en pourrait rendre compte ; mais il n’est pas sans intérêt de s’arrêter un instant aux considérations que nous venons de lire.

La première des trois explications proposées est celle de Saint Thomas d’Aquin ; elle n’a point la préférence de notre auteur.

La seconde s’inspire semble-t-il de celle que Buridan avait esquissée, sans y croire, dans ses Questions sur le De Cælo.

Marsile, comme Buridan, voit en l’impetus une réalité permanente distincte du mouvement local ; il peut donc, sans illogisme, examiner comment cette forme se distribue à chaque instant dans la masse du mobile, et cela indépendamment de la distribution qu’y affectent les vitesses locales.

Venons à la troisième, qui a les préférences de notre auteur ; elle est suggérée, semble-t-il, par ce Tractatus de ponderibus que l’Antiquité grecque avait produite[1], et que les écoles du xive siècle connaissaient bien, comme en font foi les manuscrits[2]. Voici, en effet, ce que dit la treizième proposition du quatrième livre de cet ouvrage[3] :

« Ce qui reçoit une plus forte impulsion devient plus cohérent. — L’impulsion est produite par les parties postérieures qui ont à pousser celles qui se trouvent devant elles ; comme celles-ci opposent, grâce à leur poids, une certaine résistance, celles qui se trouvent au milieu sont obligées de se resserrer ; parfois, aussi, elles s’échappent sur les côtés. Il arrive de la sorte que les parties inférieures, qui sont fixées aux parties supérieures, s’appliquent plus étroitement contre ces parties lorsque celles-ci reçoivent une impulsion. »

Ce théorème du Tractatus de ponderibus semble destiné à préparer celui qui vient aussitôt après et que voici[4]4 :

  1. Voir : Première partie, ch. VI, § VII ; t. I, pp. 390-391.
  2. Les mss. 7378 A et 8680 A du fonds latin de la Bibliothèque Nationale qui, tous deux, nous conservent ce traité, sont du xive siècle.
  3. Iordani Opusculum de ponderositate Nicolai Tartaleœ Studio correctum. Venetiis, apud Curtium Troianum. MDLXV. Quæst. 42, fol. 15, vo.
  4. Iordani Op. laud., quæst. 43, fol. 16, ro.