Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/312

Cette page n’a pas encore été corrigée
309
LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

les Abbreviationes libri Physicorum[1] du même Marsile d’Inghen. Aussi rencontre-t-on, en cet ouvrage, une allusion à la chute accélérée des graves et à l’explication qu’en donne la théorie de l’impetus. Marsile d’Inghen vient d’affirmer que la pesanteur n’était pas une attraction du lieu naturel ; il ajoute : « On demandera peut-être si ce n’est pas parce qu’il est attiré par le lieu que le grave se meut plus rapidement vers la fin de sa course. Nous répondrons que cet effet provient de l’impetus acquis par suite du mouvement. » Mais que cette allusion est brève et peu explicite[2] !

Deux autres passages, également fort courts, sont, cependant, très nets ; les voici :

« Tous les impetus ne sont pas essentiellement semblables d’une manière spécialissime[3] ; on le voit, car la forme du grave unie à son poids détruit l’impetus qui meut ce grave vers le haut ; il en est d’autres, au contraire qui accélèrent (velocitant), le mouvement ; ainsi, lorsqu’un grave tombe, cette même forme conserve et produit l’impetus[4] dirigé vers le bas ; cela n’aurait pas lieu si ces impetus étaient essentiellement semblables d’une manière spécialissime. »

« Lorsqu’on lance un corps pesant vers le haut, on lui imprime un impetus violent[5] ; lorsque la même main lance le corps vers le bas, elle lui imprime un impetus naturel ; cela est visible, car le mobile confère alors de la force à cet impetus, attendu qu’il a une inclination naturelle à se mouvoir de la sorte lorsqu’il est hors de son lieu. »

Si Marsile d’Inghen a glissé rapidement sur la chute accélérée des graves, en revanche, il s’efforce[6] d’expliquer un phénomène tout imaginaire, la prétendue accélération qu’éprouverait un projectile après qu’il vient de quitter la main ou l’instrument qui l’a lancé. Albert de Saxe n’avait pas parlé de cette accélération dont, probablement, l’existence lui paraissait douteuse ou niable ; Jean Buridan l’avait niée. Marsile d’Inghen n’a

1. Incipiunt subtiles doctrinaque plene abbreviationes libri phisicorum édité a prestantissimo philosopho Marsilio Inguen doctore parisiensi. (Ce livre, imprimé avant l’an 1500, ne porte aucune indication touchant le nom de l’éditeur, la date ni le lieu de l’édition. Les feuillets ne sont pas paginés.) La théorie de Vimpetus occupe les deux derniers feuillets.

2. Marsile d’Inghen, Op. laud., col. a du fol. qui suit le folio signé K. 3.

3. Marsile d’Inghen, Op. laud., avant dernier folio, col. c.

4. Le texte dit : motus.

5. Marsile d’Inghen, Op. laud., avant dernier folio, col. d.

6. Marsile d’Inghen, Op. laud., dernier fGlio, col. a.

  1. 1
  2. 2
  3. 3
  4. 4
  5. 5
  6. 6