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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Il est clair que ce qui lance le projectile demeure quelque temps uni avec ce projectile ; pendant ce temps, et avant le départ du projectile, il le pousse continuellement. Un homme, par exemple, qui lance une pierre, meut sa main en même temps que la pierre. De même, lorsqu’on tire de l’arc, la corde se meut quelque temps avec la flèche, poussant la flèche. Il en est de même de la fronde qui lance une pierre et des machines qui lancent de très grosses pierres.

» Alors, tant que l’instrument de projection pousse le projectile en lui demeurant uni, le mouvement est plus lent au début, parce que le moteur extrinsèque est alors seul à mouvoir la pierre ou la flèche ; mais, durant le mouvement, un impetus est continuellement acquis, qui s’unit au moteur extrinsèque pour mouvoir la pierre ou la flèche ; partaut [ces deux moteurs réunis] meuvent plus vite.

» Mais, après le départ du projectile, l’instrument projetant ne meut plus ; seul, l’impetus acquis continue de mouvoir, comme on le verra ailleurs ; et à cause de la résistance du milieu, cet impetus s’affaiblit continuellement ; le mouvement devient donc continuellement plus lent.

« Que le mouvement d’un projectile est plus vite au début qu’au milieu ou à la fin, on doit donc l’entendre, de cette manière là, c’est-à-dire en faisant abstraction de cette partie du mouvement pendant laquelle l’instrument projetant est uni au projectile. Si l’on prend, en effet, le mouvement restant comme étant un seul mouvement, la plus grande vitesse s’y rencontre au début…

» Toutefois, il me reste un doute à ce sujet. Certains disent, en effet, que la flèche lancée par un arc perce mieux à la distance de vingt pieds qu’à la distance de deux pieds ; ainsi donc après que la flèche a quitté l’arc, la plus grande vitesse ne serait pas au début.

» Je n’ai pas expérimenté ce fait ; je ne sais donc s’il est vrai (et ego hoc non sum expertus ; ideo hescio si sit verum). Au cas, toutefois, où il serait vrai, quelques-uns disent que l’impetus n’est pas immédiatement engendré par le mouvement, mais qu’il est engendré d’une manière continue à titre de conséquence du mouvement. Il n’est donc pas parfaitement engendré au moment où la flèche quitte l’arc, mais il se perfectionne encore pendant quelque temps. Ainsi, de réchauffement, résultent la raréfaction et l’évaporation ; mais elles ne sont pas instantanément parfaites ; que réchauffement cesse, que l’eau soit