Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
296
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

d’Albert de Saxe nous n’avons rien trouvé qui précisât la loi selon laquelle croît la vitesse de chute d’un grave. Mais la grande vogue des Quæstiones in libros de Cælo composées par notre auteur suffit à nous assurer que l’École de Paris, au cours du Moyen-Âge, ne demeura pas ignorante de ce qu’il avait enseigné touchant cette importante question. L’imprimerie se chargea d’ailleurs, au moment de la Renaissance, de donner à cet enseignement une plus grande extension. À la vérité, deux éditions des Quæstiones in libros de Cælo, celles qui furent données à Paris en 1516 et en 1518, ont omis la question où se trouve étudiée la loi d’accroissement de la vitesse en la chute accélérée d’un grave ; mais les éditions données à Pavie en 1481, à Venise en 1492, en 1497 et en 1520 suffisaient à réparer cette omission.

Qu’à la fin du xve siècle, qu’au début du xvie siècle, on lût attentivement les Questions rédigées par Maître Albert de Saxe, les témoignages en sont innombrables ; que le passage dont nous venons de faire l’analyse eût, à cette époque, attiré l’attention de certains scolastiques, nous en pouvons citer une preuve convaincante.

Vers la fin du xve siècle, le Parisien Pierre Tataret rédige un manuel de Philosophie intitulé : Clarissima singularisque totius Philosophiæ necnon Metaphysicæ Aristotelis expositio, ou bien encore : Commentationes in libros Aristotelis secundum Subtilissimi Doctoris Scoti sententiam. Comme bon nombre de ceux qui, au xve siècle, enseignaient la Théologie en Sorbonne, Pierre Tataret, par ses doctrines métaphysiques, se rattache à l’École scotiste, tandis qu’il emprunte ses théories de Mécanique à l’École nominaliste parisienne et, en particulier, à Albert de Saxe ou à Marsile d’Inghen. C’est ainsi que son manuel, en ce qui touche la loi suivant laquelle s’accélère la chute d’un grave, se borne à reproduire textuellement[1] ce qu’Albert avait écrit en ses Quæstiones in libros de Cælo et Mundo.

Or le résumé de Philosophie composé par Pierre Tataret eut une vogue extrême ; le Repertorium bibliographicum de Hain en mentionne sept éditions incunables, et d’autres éditions, fort nombreuses, furent imprimées pendant le premier tiers du xvie siècle. Par là, la doctrine d’Albert de Saxe reçut une nouvelle et très considérable diffusion. Nul ne l’ignorait,

  1. Petri Tatareti Op. laud., De Cælo et Mundo lib. IIus, tract. II, circa finem.