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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

au mouvement, ne pouvant plus mouvoir le grave vers le bas, le meut, au contraire, vers le haut ; et ce dernier mouvement se poursuit jusqu’à ce que l’impetus soit détruit. »

Dans la belle question où il développait la théorie de l’impetus, Jean Buridan, après avoir expliqué le rebondissement de la balle qui frappe le sol, écrivait :

« De même une corde de cithare que l’on a fortement tendue et que l’on a frappée demeure longtemps agitée d’un tremblement grâce auquel elle émet un son d’une certaine durée, et voici comment cela se fait : Après que le coup dont elle a été frappée l’a incurvée violemment d’un certain côté, elle revient si rapidement à sa rectitude première qu’elle dépasse cette rectitude, à cause de l’impetus, et s’en écarte en sens contraire ; elle revient alors en arrière et recommence un grand nombre de fois. C’est par une cause semblable qu’une cloche continue à se mouvoir tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, fort longtemps après qu’on a cessé d’en tirer la corde ; on ne peut l’arrêter facilement ni rapidement. »

Dans ce passage, le philosophe de Béthune indiquait sommairement comment l’impetus doit intervenir lorsqu’on veut expliquer les oscillations d’un corps écarté de sa position d’équilibre, les vibrations d’une corde sonore ou le va-et-vient d’un pendule.

De même, Albert de Saxe, tout aussitôt après qu’il a expliqué la réflexion qui suit le choc, poursuit en ces termes[1] :

« Selon la théorie précédente, on dirait encore ceci : Supposons que la terre soit perçée d’outre en outre et que, par ce trou, un grave descendit vers le centre avec une grande vitesse ; au moment où le centre de gravité de ce corps qui tombe deviendrait le centre du Monde, le corps poursuivrait son mouvement vers l’autre côté du ciel, parce que son impetus ne serait pas encore détruit, et, par conséquent, il irait en montant ; quand cet impetus viendrait à faire défaut, le grave se mettrait à descendre ; dans cette descente, il acquerrait de nouveau un certain impetus qui lui ferait, derechef, dépasser le centre ; cet impetus une fois détruit, il retomberait encore ; il se mouvrait ainsi en oscillant de part et d’autre du centre, jusqu’à ce qu’il n’y eût plus en lui aucun impetus ; alors, il demeurerait en repos. »

Ainsi la Dynamique de Buridan est recueillie, développée, précisée par Albert de Saxe. Celui-ci ne délaisse quelque peu

  1. Albert de Saxe, loc. cit.