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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Ce sont là exercices d’une Mécanique encore bien puérile et bien encombrée d’idées fausses ; et cependant, cette Mécanique surpasse singulièrement celle du Liber de ponderibus qui attribuait à l’ébranlement de l’air l’accélération de la chute du grave.

Dans la question que nous étudions, Albert écrit encore :

« Il faut imaginer que cet impetus, de même qu’il est acquis par suite du mouvement, diminue de même ou fait défaut quand le mouvement diminue ou fait défaut…

» Selon cette opinion, on peut poser certaines conclusions :

» La première est la suivante : La cause de l’accélération (velocitatio) du mouvement naturel est l’impetus acquis dans le mobile ; cet impetus est acquis par suite de ce mouvement naturel (consequenter ad motum naturalem),.. On le prouve par similitude avec la course de l’homme. Après qu’il a commencé de courir et qu’il a couru très vite, cet homme ne peut plus bien s’arrêter quand il veut ; cela n’a lieu, semble-t-il, qu’à cause de l’impetus qui continue de l’incliner au mouvement. »

Enfin nous lisons au Tractatus proportionum de notre auteur :

« Un grave qui descend en milieu uniforme descend plus vite à la fin qu’au commencement ; cela ne provient pas, cependant, d’un plus grand rapport de la puissance à la résistance, puisqu’on a supposé que la résistance était uniforme… A cet argument, je réponds ceci : Lorsque le grave a, pendant un certain temps, exercé son mouvement en descendant dans le milieu uniforme, le rapport de la puissance motrice totale à la résistance n’a plus, à la fin, même valeur qu’au commencement ; tandis, en effet, que la résistance demeure uniforme, la puissance devient plus intense grâce à Yimpetus qui est acquis par ce grave au fur et à mesure qu’il descend ; cet impetus, joint à la puissance motrice principale de la pierre, la meut plus vite à la fin qu’au commencement. »

Comme son maître Buridan, Albert de Saxe invoque l’impetus pour expliquer le rebondissement d’une balle qui a frappé le sol :

« Suivant cette opinion, dit-il[1] on peut rendre cause de ce fait qu’un grave qui tombe, avec force et qui rencontre une résistance, est réfléchi du côté par où il était venu. En voici la cause : En tombant, le grave acquiert un impetus qui ne se détruit pas d’une façon subite ; lorsqu’il rencontre un obstacle, l’impetus qui n’est pas encore détruit et qui continue d’incliner

  1. Alberti de Saxonia Quæstiones in libros de Cælo et Mundo ; quæst. cit.