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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

outre sa gravité naturelle, un certain impetus ou gravité accidentelle (gravitas accidentalis) ; cette gravité accidentelle vient en aide à la gravité naturelle pour mouvoir le grave d’un mouvement plus rapide. On en doit dire autant de la légèreté. Plus longtemps le corps naturel se meut, plus grand est l’impetus qu’il acquiert par là ; par suite, il se meut, continuellement, de plus en plus vite ; à moins toutefois que cet accroissement de vitesse ne soit empêché parce que la résistance éprouve une croissance plus grande que celle de l’impetus acquis. — Secundum quod ipsum corpus naturale movetur diutius et diutius, secundum hoc sibi acquiritur major et major impetus, et secundum hoc movetur velocius et velocius ; nisi tamen hoc impediretur per majorem crescentiam ipsius resistentiæ quam esset impetus sic acquisitus. »

Albert insiste sur ce rôle de la résistance du milieu ; ce qu’il en dit, et que nous allons rapporter, suppose que cette résistance dépende seulement de la densité du milieu ; que la vitesse du mobile y ait sa part, notre auteur ne le soupçonne assurément pas.

C’est pourquoi il écrit : « Seconde conclusion : Tout mouvement local naturel qui se fait dans un milieu homogène (medium uniforme) est plus vite à la fin qu’au commencement. On le prouve : La résistance demeure constamment la même par hypothèse, puisque le milieu est homogène, et la puissance motrice augmente par l’effet de l’impetus acquis qui vient en aide à cette puissance pour produire le mouvement…

» Quatrième conclusion : Le milieu au sein duquel le mouvement doit s’accomplir peut être disposé de telle sorte que le mobile tomberait, à la fin, précisément avec la même vitesse qu’au commencement ; il en serait évidemment ainsi si le milieu n’était pas de résistence uniforme et si la résistance de la partie inférieure surpassait la résistance de la partie supérieure d’une quantité égale à l’aide que l’impetus pourrait apporter à l’intensité de l’accélération du mouvement ; dans ce cas, en effet, le grave traverserait tout le milieu d’un mouvement uniforme.

» Qui plus est, on pourrait disposer un milieu de telle façon qu’un mouvement naturel s’y fît, à la fin, plus lentement qu’au commencement ; cela aurait évidemment lieu, si la partie inférieure du milieu résistait plus que la partie supérieure, et cela de telle manière que cet accroissement de résistance fût, pour affaiblir le mouvement, plus puissant que l’impetus acquis ne l’est pour accroître l’intensité de ce même mouvement. »