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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

« À moi, il me semble qu’il faut absolument accorder la conclusion suivante : Sur une même ligne droite dont les extrémités sont B et C, le mobile A peut se mouvoir de B vers C, puis réfléchir son mouvement vers B, sans aucun repos intermédiaire, comme le prouvaient les arguments précédents. »

Le bon sens des physiciens de Paris a eu raison du paralogisme d’Aristote ; c’est ce même bon sens, d’ailleurs, qui, aux théories péripatéticiennes du mouvement des projectiles et de la chute des graves a fini par substituer des doctrines raisonnables où la Dynamique moderne se trouve en germe.


IX
Albert de Saxe
tente de formuler la loi de la chute des graves


Albert de Saxe est un élève de Jean Buridan ; de la Dynamique de celui-ci, il garde tout, ou presque tout ; la question du repos intermédiaire est la seule où nous le verrons s’écarter d’une façon malencontreuse de ce que son maître avait enseigné ; par contre, en nombre de points, nous aurons à marquer un progrès de la Mécanique d’Albert sur la Mécanique du philosophe de Béthune.

Comme tous les physiciens qui, de Richard de Middleton à Buridan, se sont succédés, Albert de Saxe ne veut pas que le poids du grave varie avec la distance de ce grave au centre de la terre. Il écrit, à ce sujet, une phrase remarquable, en ce que l’intensité de la pesanteur y est donnée non point comme déterminant la vitesse avec laquelle un grave se meut, mais seulement comme déterminant la vitesse avec laquelle il commence à se mouvoir. De l’hypothèse que le poids est d’autant plus grand que le grave est plus près du centre du Monde, « on tirerait », dit-il[1], « cette conclusion : Toutes choses égales d’ailleurs, un grave ne commencerait pas à se mouvoir avec la même vitesse lorsqu’il partirait de points situés à des dis-

  1. Alberti de Saxonia Subtilissùnæ quæstiones in libros de Cælo et Mundo, lib. II, quæst. XIV (apud edd. Venetiis, 1492 et 1520, Cette importante question est omise dans les éditions données à Paris en 1516 et 1518).