Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/289

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
286
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

des graves qu’il avait esquissée en divers endroits de ses Questions sur la Physique.

Nous allons revenir maintenant à ce dernier ouvrage. Nous allons lui demander si, en tout mouvement qui se réfléchit sur lui-même, un temps de repos sépare l’aller du retour.

Il ne semble pas, nous dira-t-il[1], que ce temps de repos existe. « Si une meule très lourde tombait de haut et qu’une fève fut lancée contre elle, la fève, en touchant la meule, serait réfléchie vers le bas ; pour qu’elle demeurât en repos au terme où se produit la réflexion, il faudrait que la meule demeurât immobile pendant le temps de repos de la fève, ou bien que la fève entrât dans la meule ; mais la pénétration de la meule par la fève est impossible et il serait absurde que cette fève arrêtât cette meule ; la fève ne demeurerait donc pas en repos au terme où son mouvement se réfléchit.

» Item. Une balle qu’on lance par terre se réfléchit. Si elle est demeurée en repos, je demande ce qui la meut au moment où elle se réfléchit vers le haut. Elle n’est certainement pas mue par la terre ; il faudrait, en effet, que ce fût par une traction ou par une impulsion ; et c’est impossible, car nous admettons que la terre demeure immobile, et ce qui tire ou pousse doit être en mouvement. D’autre part, ce n’est pas l’air qui meut la balle vers le haut, car, nous le verrons plus loin, ce n’est pas ainsi que sont mus les projectiles. Enfin, elle n’est pas mue par l’impetus que lui a imprimé celui qui l’a lancé ; (c’est ainsi, on le dira plus loin, que sont mus les projectiles) ; en effet, si un tel impetus est imprimé au projectile, il cesse, toutefois, lorsque le corps qu’il mouvait vient à demeurer en repos. Si donc la balle demeurait en repos et, après ce repos, se mettait en mouvement, elle ne serait mue par rien.

» Item. Supposons qu’une pierre ou une flèche, lancée verticalement, demeure en repos en l’air. Qu’est-ce qui la retiendrait en ce lieu pendant le temps de son repos ? Ce n’est assurément pas le mouvement précédent qui l’empêcherait de tomber, puisque ce mouvement n’existe plus. Ce n’est pas davantage l’impetus, puisque l’impetus a pris fin avec la cessation du mouvement. Or, rien d’autre n’interviendrait ici, qui suffit à maintenir cette pierre en l’air à l’état de repos…

» Aristote paraît affirmer le contraire.

  1. Johannis Buridani Subtilissime questiones super octo phisicoram libros Aristotelis, lib, VIII, quæst. VIII ; éd. cit., fol. cxvi, col. b, c et d.