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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

tombe de bas ; celle-là tuerait un homme alors que celle-ci ne le blesserait même pas.

» Supposons, en outre, que, d’un lieu très élevé, une pierre parcoure, en tombant, une longueur de dix pieds et rencontre alors un obstacle qui l’arrête ; qu’une autre pierre toute semblable, tombant d’un lieu bas, parcoure de même un espace de dix pieds jusqu’au sol ; on ne percevrait pas qu’un de ces mouvements fût plus vite que l’autre ; l’un, cependant, se fait plus près de la terre, qui est le lieu naturel, et l’autre plus loin.

» De tout cela je conclus donc que ce n’est pas une proximité plus grande au lieu naturel qui rend plus vites les mouvements des corps graves ou légers ; cet accroissement de vitesse provient de quelque autre chose qui s’ajoute ou se retranche en raison de la longueur du mouvement accompli (sed ex aliquo alio apposito vel remoto ratione longitudinis motus. »

On propose alors une troisième opinion : « Plus le grave descend, moins il y a d’air au-dessous de lui », et, partant, la résistance qu’il éprouve va en diminuant. Mais, dit Buridan, « cette opinion tombe dans les mêmes inconséquences que la précédente. Nous l’avons dit, en effet ; si deux graves absolument semblables commencent à tomber l’un d’un lieu très élevé et l’autre d’un lieu très bas, de dix pieds au-dessous de terre par exemple, au commencement de leur mouvement, ces deux graves se mouveront avec une égale vitesse (illa gravia in principio sui motus æque velociter moventur), bien que l’un d’eux ait sous lui beaucoup plus d’air que l’autre. »

Notre auteur arrive alors à l’exposé de la théorie qu’il admet :

« Ces diverses explications une fois rejetées, il reste une imagination qui, me paraît-il, est nécessaire.

» Je suppose que la gravité naturelle demeure toujours la même ; qu’elle est absolument semblable avant le mouvement, pendant le mouvement et après le mouvement ; après le mouvement, une pierre se trouve être aussi lourde qu’avant.

» Je suppose, en second lieu, que la résistance provenant du milieu demeure toujours la même et toute semblable ; en effet, comme je l’ai dit, il ne me paraît pas que l’air inférieur qui se trouve près du sol doive moins résister que l’air supérieur ; peut-être, au contraire, est-ce l’air supérieur qui résisterait moins, parce qu’il est. plus subtil.

» En troisième lieu, je suppose que si le mobile est le même, si le moteur total est le même, si la résistance est la même ou toute semblable, le mouvement demeurera d’égale vitesse, car