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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

l’accélération du mouvement naturel au continuel accroissement d’une gravité accidentelle. Or, au Moyen-Âge, ce nom de gravité accidentelle était assurément pris comme synonyme d’impetus. « Certains », dit Gaëtan de Tiène[1], « donnent le nom de gravité ou de légèreté accidentelle à cette vertu communiquée par le moteur au mobile, mais on l’appelle plus communément impetus. » Gaëtan était, d’ailleurs, un lecteur assidu de Burley que ses écrits citent constamment. Donc, au temps de Burley, il était des physiciens qui demandaient à un impetus croissant d’accélérer la chute des graves.

Quels étaient ces physiciens ?

Nommé chanoine d’Évreux en 1342[2] Walter Burley vivait certainement encore en 1343 ; il terminait sa carrière alors que Jean Buridan commençait la sienne ; l’allusion que contiennent les commentaires aux Physiques composés par le Maître anglais pourrait donc, à la rigueur, viser l’enseignement du Maître picard ; il est plus probable qu’elle a trait à l’opinion de physiciens plus âgés, contemporains de Burley, dont Buridan a été le disciple et dont il a reçu et développé les doctrines.

Comme Bonet, et mieux que Bonet, Buridan réfute les deux explications de la chute accélérée des graves qui avaient eu vogue jusqu’alors.

Voici d’abord[3] pour l’explication du Liber de ponderibus et d’Averroès :

« Le grave soulevé n’est pas mû par le milieu, car le milieu résiste. Si je me promène, celui qui me résiste et qui retarde mon mouvement ne me meut assurément pas. C’est bien plutôt le grave qui meut le milieu en le divisant.

» On ne voit pas, d’ailleurs, comment le milieu mouvrait la pierre qui tombe ; il ne semble pas que ce puisse être en la tirant à soi non plus qu’en la chassant devant soi ; et il ne nous apparaît aucun autre moyen par lequel on pourrait dire raisonnablement que le milieu meut cette pierre.

» Contre cette conclusion, il ne sert à rien d’invoquer l’autorité du Commentateur qui dit, au troisième livre Du Ciel : Le grave est mû par le mouvement du milieu comme un homme

1. Recollectæ Gaietani super octo libros Physicorum cum annotationibus textuum, fol. 51. Colophon : Impressum est hoc opus per Bonetum Locatellum, jussu et expensls nobilis viri Domini Octaviani Scoti civis Modoetiensis. Anno Salutis 1496.

2. Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, tomus II, pars prior, p. 154.

3. Johannis Buridani Subtilissime questiones super octo phisicorum libros Aristotelis, lib. VIII, quæst. IX ; éd. Parisiis, 1509, fol. cxiiii, col. b.

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