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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

rieure de l’air ; pendant sa chute, une certaine partie de l’air descendrait de cette région supérieure jusqu’à terre, ce qu’on ne saurait, semble-t-il, convenablement prétendre.

» La seconde proposition ne peut, non plus, être soutenue ; s’il en était ainsi, en effet, plus le grave descendrait, plus sa descente serait lente, ce qui est faux ; et la conséquence résulte évidemment de la prémisse, car, en un tel mouvement, le second moteur meut avec moins de force que le premier, le troisième avec moins de force que le second, et ainsi de suite, comme on le voit dans le mouvement des projectiles…

» Ces corps se meuvent eux-mêmes et par eux-mêmes, et non pas simplement par accident. Je pose cette conclusion à cause de l’autorité du Commentateur qui, au troisième livre Du Ciel, veut que ces corps ne se meuvent pas eux-mêmes, si ce n’est par contre coup. » Grégoire de Rimini cite alors le texte d’Averroès que nous avons étudié au § I, puis il poursuit en ces termes :

« Je vais prouver le contraire :

» En premier lieu, il est certain, et cela résulte des paroles mêmes d’Averroès, qu’en un semblable mouvement, l’air n’est mu que par l’impulsion de la pierre ; il cède place à la pierre ; dans l’ordre de la causalité, donc, la pierre est mue avant l’air, bien que ces deux corps soient mus en même temps ; ainsi, ce n’est pas parce que l’air est en mouvement que la pierre est mue, mais, au contraire, l’air est en mouvement parce que la pierre est mue ; et derechef, c’est parce que la pierre est mue qu’elle meut l’air ; ce n’est point le contraire qui est vrai…

» En second lieu, si l’on supprimait tout l’air qui se trouve entre la pierre et la terre, et si après avoir attaché la pierre à un fil fin, on l’abandonnait à sa nature, il n’est pas douteux qu’à la suite de là rupture du fil, la pierre tomberait à terre, soit instantanément, soit en un certain temps…

» Enfin, l’exemple allégué par Averroès, si l’on veut l’appliquer pleinement, va contre l’avis de cet auteur. Le batelier, en effet, ne saurait mouvoir son bateau, si auparavant, du moins suivant l’ordre des causes, il ne se mouvait lui-même en totalité ou s’il ne mouvait ses membres ; c’est par suite de ces mouvements que le bateau se meut. Par conséquent, bien que d’une certaine façon, par voie de transport, le batelier soit mû par suite du mouvement du bateau, auparavant, toutefois, du moins selon l’ordre des causes, il se meut lui-même et, par l’impulsion qu’il lui donne, meut le bateau. »

Contre l’explication, proposée par Thémistius, de l’accéléra¬