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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Par la seconde cause, qui est l’inclinaison naturelle vers le terme, il n’apparaît pas, d’autre part, que le mouvement doive être plus vite [à la fin qu’au commencement]. Le terme, en effet, ne paraît avoir aucune influence locative sur le corps qui s’y doit loger. Ainsi en semble-t-il être du centre du Monde à l’égard du corps grave ; si l’on supposait, en effet, que la terre entière fût anéantie, le grave se mouvrait, de même qu’avant, vers le centre purement conçu ; c’est pourquoi nous disons que le mouvement naturel ne serait pas de ce chef, plus vite à la fin qu’au commencement. »

Bonet s’est contenté de rejeter d’une manière sommaire la théorie qui attribue à l’ébranlement de l’air l’accélération qui s’observe dans la chute d’un grave. Grégoire de Rimini va développer une argumentation plus détaillée ; cette argumentation aura pour principal objet de ruiner la thèse du Commentateur, qui attribue au mouvement du milieu non seulement l’accélération, mais la chute même du grave ; mais, par contre coup, elle vaudra contre la thèse moins absolue du Liber de ponderibus.

Voici donc ce que Grégoire de Rimini enseignait à Paris en 1344[1] :

« Les corps ne sont pas mus par les milieux au sein desquels ils se trouvent. En effet, s’il en était ainsi, , le même agent naturel mouvrait, de lui-même, dans des directions différentes et produirait des mouvements contraires. Or cela répugne à un agent naturel qui, de lui-même, est déterminé à une action unique. Prouvons cette conséquence : La même partie du milieu qui produit la descente d’un grave produirait l’ascension d’un corps léger ; il arrive en effet qu’en même temps, un corps léger monte au travers d’une partie du milieu et qu’un grave tombe au travers d’une partie absolument semblable à la précédente et toute proche d’elle.

» En second lieu, s’il en était ainsi, ou bien le corps serait mû, du commencement du mouvement jusqu’à la fin, par la même partie du milieu, ou bien des parties différentes le mouvraient l’une après l’autre. Ce dernier cas est celui qui se présente, disent certaines personnes, dans le mouvement des projectiles.

» La première proposition ne se peut affirmer raisonnablement ; voici, en effet, ce qui en résulterait : Qu’un corps pesant, de la grêle ou de la neige, par exemple, se forme dans la région supé-

  1. Gregorii de Arimino In secundum Sententiarum. Dist. VI, quæst. I, artic. III.