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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

donc mus de mouvements violents], puisque la division du milieu jouerait ici le même rôle. »

Meyronnes ne nous a pas dit, d’ailleurs, quelle explication il recevait de la chute accélérée des graves ; peut-être n’admettait-il aucune de celles qui avaient été proposées jusqu’alors ; ainsi faisait, nous l’allons voir, son disciple Nicolas Bonet.

Voici ce qu’écrivait ce dernier[1] :

« De ce fait que le mouvement naturel est plus vite à la fin qu’au commencement, il y a, dit-on, deux causes.

» La première, c’est que les moteurs sont, ici, plus nombreux à la fin qu’au commencement et, par conséquent, qu’ils meuvent plus fortement.

» On prend le grave pour exemple. Quand un grave tombe, il divise l’air et, par là, met en mouvement les parties de cet air ; ces parties séparées, afin qu’il n’y ait pas de vide, courent l’une vers l’autre et se rejoignent de suite ; ces parties mises en mouvement meuvent le grave à leur tour. Comme, à la fin du mouvement, le nombre est plus grand des parties qui sont mues et, partant, qui sont motrices, elles mouvront le grave, à la fin du mouvement, plus vite qu’au commencement.

» La seconde cause qu’on assigne est la suivante : Dans le mouvement naturel, le mobile désire sans cesse le terme qui lui est naturel et incline vers ce terme ; le terme naturel paraît ainsi tirer, en quelque sorte, le mobile ; partant, plus le mobile est voisin du terme, plus il le désire et plus fortement il est tiré par lui. »

De ces deux causes, quelle est la plus puissante ? Bonet traite, d’abord, cette question au sujet du mouvement violent ; au précédent chapitre, nous avons rapporté[2] ce qu’il en dit. C’est seulement ensuite qu’il aborde le mouvement naturel, et cela en ces termes[3] :

« Revenons au doute précédent ; on y demande si, dans le vide, le mouvement naturel serait plus vite, et le mouvement violent plus lent, à la fin qu’au commencement.

» Au sujet du mouvement naturel, on dit, avec raison (et bene), que la première cause fait, ici, défaut ; il n’y a pas plus de moteurs [à la fin qu’au commencement],

  1. Nicolai Boneti Physica, Lib. V, cap. III (Bibl. Nat., fonds latin, ms. no 6678, fol. 150, vo ; ms. no 16132, fol. 118, col. a et b.)
  2. Vide Supra, pp. 198-199.
  3. Nicolai Boneti Physica, Lib. V, cap. IV (Bibl. Nat., fonds latin, ms. no 6678, fol. 150, vo, et fol. 151, ro ; ms. no 16132, fol. 118, col. c).