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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

vement préalable ? De même, le corps actuellement grave ne donnerait pas au milieu un mouvement local, s’il ne se mouvait auparavant de mouvement naturel. Le mouvement du grave précède donc naturellement le mouvement du’milieu. Or, l’effet d’une cause qui est active par elle-même ne paraît pas pouvoir naturellement précéder sa cause.’

» En second lieu, quand deux mouvements s’accompagnent l’un l’autre, dont l’un est naturel et l’autre violent et hors nature, il semble plus raisonnable d’admettre que le mouvement naturel est cause du mouvement violent et non naturel que de supposer le contraire. Ainsi le mouvement du ciel et le mouvement de la sphère du feu sont concomitants ; le mouvement du ciel, qui est naturel, est la cause active du mouvement non naturel du feu qui prend un mouvement circulaire étranger à sa nature ; c’est ce qui est démontré au premier livre des Météores. Or, tout le monde admet que la chute du grave est naturelle ; la descente de l’air, c’est manifeste, n’est point un mouvement naturel à cet air ; il paraît donc plus raisonnable d’admettre que le mouvement du grave est cause du mouvement de l’air que de supposer le contraire.

» Reste donc qu’aucune chose n’est, par elle-même, et d’une manière immédiate, principe actif du mouvement du grave, si ce n’est la pesanteur même de ce corps. »

Walter Burley tient un langage analogue. Contre Gilles de Rome, il tient que la cause qui a engendré le grave n’est point cause efficiente du mouvement de ce corps. Comme l’auteur dont Jeaïi de Jandun emprunte l’opinion, il met cette cause dans la forme ou gravité du corps pesant. Il énumère, pour les réfuter, les opinions contraires à la sienne ; dans cette énumération, se rencontre le passage suivant[1] :

« La quatrième opinion paraît être celle du Commentateur au commentaire 28 sur le troisième livre Du Ciel et au commentaire 42 sur le quatrième livre du même ouvrage. Il y admet que. d’une manière essentielle, les éléments meuvent le milieu et [par là] se meuvent eux-mêmes ; se mouvoir soi-même, en effet, est, pour eux, conséquence du mouvement du milieu ; il prend pour exemple un homme qui se trouve dans une barque ; cet homme, essentiellement, meut la barque, et il se meut lui-même en prenant part au mouvement de la barque.

» Mais c’est le contraire qui semble vrai…

1. Burlei Op. laud., lib. VIII, tract. Il, cap. II, in fine.

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