Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/273

Cette page n’a pas encore été corrigée
270
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Cette synthèse est le résultat d’efforts continus dont l’œuvre de Richard de Middleton, d’abord, les écrits de Gilles de Rome, de Jean de Jandun et de Durand de Saint-Pourçain, ensuite, nous ont apporté le témoignage.

Ces efforts remplissent toute une période du lent développement qu’a subi la théorie de la chute accélérée des graves.

Dans une période précédente, illustrée par les grands docteurs scolastiques du xiiie siècle, l’explication de Thémistius avait été généralement admise.

De Richard de Middleton à Walter Burley, les maîtres dont les tentatives caractérisent la seconde période débarrassent la science de cette doctrine inadmissible de Thémistius ; ils mettent clairement en évidence cette vérité : La vitesse de chute d’un grave ne dépend pas de la distance de ce grave au centre du Monde, mais bien de la distance du poids qui tombe à sa position initiale ; ils sont moins heureux lorsqu’il s’agit d’expliquer l’accroissement de cette vitesse ; tous, ils en cherchent la raison dans l’influence du milieu.

Aucun d’eux, cependant, n’imite la folie d’Averroès et ne cherche, dans le milieu ébranlé, la cause efficiente de la chute du grave.

Gilles de Rome[1] voit, dans le principe qui a engendré le corps pesant, la cause efficiente du mouvement naturel de ce corps vers le bas ; dans la forme du grave, il voit la cause formelle du même mouvement ; mais à l’étrange théorie d’Averroès, il ne fait même pas allusion.

La longue question empruntée par Jean de Jandun àt un docteur qu’il ne nomme pas, et insérée par lui dans ses Questions sur la Physique d’Aristote[2], formule cette conclusion : Il est probable qu’un grave inanimé est son propre moteur. — Elle discute avec soin la singulière supposition d’Averroès ; de cette discussion, voici le passage essentiel :

« Il semble impossible à qui ne se mouvrait pas au préalable de mouvement local qu’il puisse mouvoir immédiatement, de mouvement local, un autre corps. Comment la main mouvrait-elle le bâton de mouvement local, si elle ne se mouvait, tout d’abord, d’un mouvement de même sorte ? Et comment la corde de l’arc mouvrait-elle la flèche, si cette corde n’avait un mout

1. Ægidii Romani Op. laud., lib. VIII, lect. X, comm. 30, dubium secundum éd. cit., fol. 168, col. b et c.

2. Joannis de Janduno Super octo libros de physico auditu Aristotelis subtilissimæ quæstiones ; lib. VIII, quæst. XI : an grave inanimatum moveat seipsum.

  1. 1
  2. 2