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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

ces deux corps se trouvent équidistants de la terre et équidistants de leur lieu naturel. C’est donc cette distance au repos violent à partir duquel le corps s’est mis en mouvement qui est la cause de la continuelle accélération du mouvement naturel.

» Mais c’en est là, semble-t-il, la cause éloignée ; aussi faut-il en assigner une cause plus prochaine et plus explicite.

» C’est pourquoi certains prétendent que le grave, dans sa chute, acquiert continuellement une nouvelle gravité accidentelle ; il devient continuellement de plus en plus lourd ; son mouvement s’accélère donc sans cesse. Il en est de même d’un corps léger ; dans son mouvement vers le haut, il acquiert sans cesse une nouvelle légèreté accidentelle. Partant, plus ces corps sont éloignés’de l’état de repos violent à partir duquel ils ont commencé à se mouvoir, plus ils se meuvent rapidement.

» Pour moi, il me semble que l’air est grave avec les corps graves et léger avec les corps légers. Lorsqu’un corps grave tombe, la masse d’air qui se trouve devant lui et qu’il pousse vers le bas est toujours de plus en plus grande, tandis que la masse d’air qui suit son mouvement croît, elle aussi, continuellement ; le mouvement s’accélère parce que le milieu qui se trouve en avant du mobile et qui lui cède le passage est de plus en plus grave, et que le milieu qui suit le poids devient, lui aussi, de plus en plus grave et donne à ce corps une impulsion de plus en plus forte ; ainsi le mobile se meut d’autant plus vite qu’il vient de plus loin, parce que son mouvement est, de plus en plus, secondé par le milieu, aussi bien en avant qu’en arrière. »

L’explication que Burley vient de développer est une sorte de synthèse où concourent les pensées de maint auteur de l’antiquité.

Nous y reconnaissons, tout d’abord, la théorie péripatéticienne qui attribue au milieu la continuation du mouvement des projectiles.

Nous y retrouvons, ensuite, l’analogie entre l’accélération du mouvement naturel et le ralentissement du mouvement violent, telle qu’Hipparque l’avait signalée, au dire de Simplicius.

La résistance décroissante du milieu qui précède le mobile y est invoquée comme elle l’était par certains physiciens antérieurs à Simplicius et, plus récemment, par Durand de Saint-Pourçain.

Enfin, l’impulsion croissante du fluide qui suit le grave y est admise comme elle l’était par le Tractatus de ponderibus.