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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Jandun ne méritait cependant pas qu’on lui fît honneur de cette importante question, car voici l’aveu, plein de bonne foi, par lequel il la termine :

« Qu’en notre postérité, ceux qui, du fond de l’âme, seront les amis de la vérité plus que de la renommée sachent bien une chose : Les preuves ici données de la doctrine que je soutiens ne sont pas entièrement de mon invention ; je les tiens d’un théologien que je crois être, parmi mes contemporains, l’un de ceux qui exposent Aristote et le Commentateur avec le plus de subtilité. Toutefois, j’ai ajouté diverses choses qui servent à mettre de l’ordre dans l’explication et la confirmation de cette thèse. »

C’est donc à ce théologien anonyme, et non pas à Jandun lui-même, que nous devons attribuer le passage suivant, où la théorie de Thémistius est, tout d’abord, réfutée à peu près comme elle l’a été par Richard de Middleton :

« Ils disent que la vitesse de chute du grave, plus grande lorsque ce grave est voisin du centre que lorsqu’il en est éloigné, n’a pas d’autre cause qu’une certaine vertu, émanée du lieu naturel dont le mobile est plus proche dans le premier cas que dans le second. Cette proposition peut être niée ; il en résulterait, en effet, la conséquence suivante : Si l’on prenait deux corps de même gravité, dont l’un commencerait à descendre depuis la sphère du feu, tandis que le point de départ de l’autre serait voisin de la terre, à la fin du mouvement, ces deux graves parcourraient des espaces égaux avec des vitesses égales ; manifestement, c’est le contraire qui est vrai.

» Si l’on vient dire ensuite que la vitesse plus grande est due à la plus grande quantité d’air qui suit le mobile tombant d’un lieu plus élevé », — c’est précisément ce qu’enseignait Jandun en ses questions sur le De Cælo — « ce n’est plus la vertu du lieu ni le voisinage de ce lieu qui cause cette vitesse ; on s’écarte donc de la première affirmation.

» Mais si l’approche du lieu naturel n’est pas cause de cette vitesse plus grande, on va demander quelle est cette cause. Peut-être faut-il dire, comme certains le font, que cela provient de ce que les parties de l’air que le grave a divisées et qui le suivent sont plus nombreuses à la fin du mouvement qu’au commencement. Il en résulte, affirment-ils, que le grave acquiert une vitesse accidentelle plus grande d’un instant à l’autre. »

Les mots : propter scissuram plurium partium aeris insequentium semblent bien indiquer que la cause ici invoquée n’est