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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

ne procède d’une cause positive et efficiente… Par là, on peut résoudre les objections qui ont été faites précédemment. Lorsqu’on dit : Le mouvement est toujours plus fort lorsqu’il approche de son terme, il faut entendre que ce terme ou ce repos final est engendré par un mouvement dont la cause est positive et non pas négative, ce qui n’est pas vrai du repos violent. » Cela est vrai, au contraire, du repos naturel qu’un corps atteint lorsqu’il parvient à son lieu propre ; « dans ce cas, en effet, le repos engendré par le mouvement naturel est le terme où tend le mobile, car ce terme convient à la nature même de ce mobile ; ce repos a donc une cause positive et n’est pas engendré par la privation. »

Ce passage de Gilles de Rome est remarquable à bien des égards.

Nous y trouvons, en premier lieu, comme nous l’avons trouvé en un Quodlibet de Richard de Middleton, l’idée qu’un temps de repos sépare la période pendant laquelle un projectile s’élève de la période pendant laquelle il retombe. Nous y trouvons également un exposé bien reconnaissable de la théorie d’Hipparque ; mais, dans cet exposé, la continuation du mouvement du projectile vers le haut est formellement.attribuée à l’impulsion de l’air ébranlé ; il est donc bien vrai que l’adoption de la théorie d’Hipparque ne suppose nullement qu’un impetus, imprimé au projectile par la main qui l’a lancé, continue de mouvoir le corps après qu’il a quitté cette main.

Nous ne trouvons pas, cependant, en ces lignes écrites par Gilles, la définition explicite de la cause qui accélère la chute d’un grave. Cette définition, est-il bien malaisé de la deviner ? Au cours des deux passages que nous avons cités, Gilles n’a cessé de comparer, comme le faisait Hipparque, la chute accélérée du grave à l’ascension ralentie du projectile ; ce qui est positif en l’un de ces mouvements est privatif en l’autre ; nous dirions aujourd’hui que notre auteur passe de l’un de ces mouvements à l’autre par un simple changement de signe ; or, le ralentissement qu’on observe en la montée du projectile, il l’attribue formellement à la diminution de la poussée que l’air exerce sur ce corps ; n’est-il pas clair qu’en sa pensée, l’accélération qui se produit en la chute d’un poids a pour cause l’impulsion croissante d’un air de plus en plus ébranlé ? Comme Richard de Middleton, Gilles s’est rallié à la théorie qu’avait proposée le Tractatus de portderibus ; dès maintenant, il nous est difficile d’en douter ; cela nous sera impossible lorsque nous