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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

vient au somment de sa course, sa vitesse, s’annule ; pendant un certain temps, elle demeure fort petite, en sorte qu’à nos yeux, le mobile semble s’arrêter quelque peu, comme s’il hésitait à retomber. Cette constatation d’une vue peu précise semblait propre à justifier la théorie du Stagirite, qui l’avait peut-être suggérée.

Or la variation de la vitesse d’une flèche qui monte et retombe avait été fort justement décrite et expliquée par Hipparque dont Simplicius, en commentant le Traité du Ciel, nous a rapporté la théorie.

Cette théorie d’Hipparque était, sans doute, bien connue dans les écoles au moment où écrivait Richard de Middleton. En 1271, Guillaume de Moerbeke avait traduit le commentaire de Simplicius sur le De Cælo. De cette traduction, Saint Thomas d’Aquin avait fait un constant usage en rédigeant ses propres leçons sur le De Cælo ; et dans ces leçons, les considérations du grand astronome sur l’ascension et la chute des projectiles n’avaient pas été oubliées[1]. Nous ne nous étonnerons donc pas de retrouver ces considérations sous la plume de Richard de Middleton ; mais nous les y rencontrerons mêlées à la supposition Aristotélicienne du repos intermédiaire, dont Hipparque n’avait pas parlé.

La question examinée par Richard rappelle celle que Bacon avait discutée[2] ; un très léger projectile, jeté en l’aiç, se heurte à une lourde masse qui tombe ; mais ici, le mobile qui monte ne sera plus une flèche ; ce sera une fève ; quant à la masse qui tombe, de tour qu’elle était, elle sera réduite aux proportions plus modestes d’une meule de moulin.

C’est à propos de cette question que Richard écrit les lignes suivantes :

« Il faut savoir que le mouvement ascensionnel de la fève est un mouvement violent ; je dis donc qu’après que le mouvement de la fève est devenu quelque peu éloigné de son principe, la vertu grâce à laquelle la fève monte va en s’affaiblissant ; aussi le mouvement violent est-il plus lent vers la fin qu’il n’était au commencement ; cette vertu finit par être tellement

1. Voir : Première partie, ch. VI, § VI et § VII ; t. I, p. 386 et p. 394.

2. Sancti Thomæ Aquinatis Expositio in libros Aristotelis de Cælo et Mundo, lib. I, lect. XVII.

3. Quodlibeta Dodorls eximti Ricardi de Media Villa, ordinis minorum. quæstiones oduaginta continentia. Brixiæ, apud Vincentium Sabium, MDXCI. Quodlibetum II, art. II, quæst. XVI : Utrum faba ascendens obvians lapidi molari quiescat ; pp. 54-56.

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