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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

s’écartent de nouveaujde leur situation naturelle ; mais après avoir dépassé cette situation ; elles y reviennent par une inclination naturelle. C’est de cette façon qu’un tremblement est engendré dans les très petites parties du corps frappé. Il en.est ainsi jusqu’au moment où, enfin, l’inclination naturelle ne chasse plus ces parties au delà de la position qui leur est assignée.

» Dans ce tremblement, dans ce mouvement local des parties ébranlées, voici ce qui a nécessairement lieu : Lorsqu’une partie passe par sa position naturelle, son diamètre longitudinal est à son maximum de contraction, tandis que ses diamètres transversaux atteignent le maximum de leur dilatation. À partir du moment où elle a dépassé sa position naturelle, son diamètre longitudinal se dilate et ses diamètres transversaux se contractent, jusqu’à ce que la particule atteigne le terme de son mouvement local. [Le diamètre longitudinal est alors au maximum de sa dilatation et] les diamètres transversaux au maximum de leur contraction. Lorsqu’ensuite la particule reviendra en arrière ; il y aura dilatation et contraction des divers diamètres suivant une voie inverse de la précédente.

» Cette extension et cette contraction pénétrant la profondeur d’une matière et, surtout, dans un corps, ce qui est aérien et subtil, c’est cela que j’entends par mouvement sonore.

» Or, entre deux mouvements contraires quelconques, il y a un repos intermédiaire ; un mouvement sonore, si petit soit-il et fût-il invisible[1], n’est donc pas continu ; il est interrompu et divisé en parties qui se peuvent compter (numerosum), bien que ce caractère ne se puisse percevoir. »

A côté de l’affirmation erronée du repos intermédiaire, il y a, dans cette analyse du mouvement vibratoire, bien des remarques dont la justesse et la précision sembleront surprenantes pour le temps où elles ont été écrites. Après les avoir lues, nous ne nous étonnerons plus d’entendre, dans la seconde moitié du xive siècle, Jean Buridan et ses disciples traiter avec exactitude des oscillations d’un corps écarté de sa position d’équilibre. Mais, en ce moment, un seul point doit retenir notre attention : L’affirmation, par Robert Grosse-Teste, qu’un repos intermédiaire sépare nécessairement deux mouvements de sens contraires accomplis par un même mobile.

À l’appui de cette proposition d’Aristote, Bacon invoquait l’observation ; lorsqu’un projectile, lancé verticalement, par-

  1. Le texte, au lieu de : invisibilem, met : indivisibilem.