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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

rer en repos ; partant, le mouvement de la flèche sera un mouvement où ne se rencontre aucun repos intermédiaire. »

Bacon ne regarde pas cet argument comme valable :

« Quant à l’objection tirée de la flèche, il y faut répondre que le mouvement de cette flèche ne peut être continu, car un repos intermédiaire se trouve compris dans ce mouvement. A celui qui le nie, parce que la tour ne se repose pas, au milieu de son mouvement, au moment où la flèche la heurte, nous dirons : II est vrai que la tour ne demeure pas en repos ; mais grâce à la grande et puissante impulsion produite par la tour qui tombe, l’air est épaissi et condensé ; aussi résiste-t-il à la flèche ; et bien que celle-ci ne demeure immobile que pendant un temps imperceptible, cependant, elle reste nécessairement en repos avant de retomber ; sinon, en effet, le même mobile se mouvrait, en même temps, de deux mouvements contraires, ce qui est absurde, comme Aristote le dit dans Je texte. Le mouvement en question est donc discontinu, il n’est point unique, car un repos intermédiaire l’interrompt. »

Au temps où Bacon affirmait ainsi l’existence d’un repos intermédiaire entre l’ascension et la descente d’un projectile, Robert Grosse-Teste, évêque de Lincoln, voulait reconnaître un semblable repos au cours des vibrations d’un corps élastique.

Ce que Grosse-Teste dit de ces vibrations mérite d’être rapporté ici. En effet, les vibrations multiples qu’un corps, écarté de sa position d’équilibre, exécute avant d’y revenir, seront souvent considérées par les Scolastiques, lorsqu’ils chercheront la raison de la chute accélérée des graves ; et c’est fort justement que leur attention se portera, en cette circonstance, sur ce phénomène, dont les oscillations du pendule fournissent l’exemple le plus simple.

Voici donc ce qu’écrit Robert de Lincoln dans son Traité des arts libéraux[1] :

« Lorsqu’un corps est frappé fortement, les.parties qui ont été frappées et comprimées s’écartent de leur situation naturelle ; ces parties, la vertu naturelle, qui incline fortement à la situation naturelle, leur fait dépasser la juste mesure ; c’est par cette impulsion naturelle (ipso impulsu naturali) qu’elles

1. Ruberti Linconiensis bonaram artiam optimt interpretis opascula dignissima nunc primant in lacent édita et accaratissime emendata. Colophon :… Mandato et impensis heredum nobilis viri domîni Octaviani scoti civis Modoetiensis et sociorum » umma diligentia impressa Uenetijs per Georgium arrivabenum anno reconciliate nativîtatis 1514 die 4 Februarij. — Tractatus domini Linconiensis de artibus libsralibus ; fol. 2, col. b.

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