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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

μέσον). Ainsi, pour les corps qui sont mus de mouvement naturel, il a lieu au terme du mouvement ; pour ceux qui sont mus de mouvement violent, au point de départ ; enfin, pour les projectiles, au milieu (τοῖς δὲ ῥιπτουμένοις ἀνὰ μέσον). »

Aristote enseigne qu’un projectile n’a pas, au début de sa course, sa plus grande vitesse ; cette vitesse maximum, il ne l’atteint qu’au bout d’un certain temps. C’est une grossière erreur, mais c’est une erreur tenace. De nos jours encore, parmi les personnes peu instruites de la Mécanique, il s’en trouve, et en grand nombre, pour croire que le projectile lancé par une arme à feu ne prend toute sa force qu’à une certaine distance de l’orifice du canon.

Les commentateurs d’Aristote se sont montrés fort embarrassés, lorsqu’il leur a fallu expliquer ce passage du Stagirite. Simplicius nous a gardé le souvenir des hésitations d’Alexandre d’Aphrodisias[1].

« Pour les projectiles, dit Aristote, la plus grande puissance est au milieu. Mais qu’entend-il par projectiles ? Ce ne peut être tout simplement les corps physiques, car ceux-ci ont été déjà considérés, soit comme mus de mouvement naturel, soit comme mus de mouvement violent. » Et le philosophe d’Aphrodisias émet l’hypothèse qu’il s’agit des corps vivants ; lorsqu’un être vivant se meut, ce n’est, dit-il, ni au début de son mouvement ni à la fin qu’il a sa plus grande agilité ; c’est au milieu ; les exercices du gymnase le laissent aisément constater.

À cette première explication, Alexandre en fait succéder une autre qu’il donne, comme plus vraisemblable. En parlant, d’abord, des corps qui sont mus soit par nature, soit par violence, Aristote aurait entendu traiter des corps dont la trajectoire est verticale, soit que leur pesanteur ou leur légèreté les entraîne seule, soit qu’ils aient été lancés de bas en haut ou de haut en bas. « Mais les projectiles (ῥιπτούμενα), ce sont les corps qui ne sont mus ni de bas en haut, ni de haut en bas ; ce sont ceux qui sont mus au milieu (ἐπὶ τὸ μέσον) ; c’est aussi au milieu que leur mouvement possède sa plus grande intensité ; le lieu dans lequel un corps est mû est aussi le lieu où se produit le maximum de puissance du mouvement (ἐν ᾧ γὰς κινεῖται ἕκαστον τόπῳ, ἐν τούτῳ καὶ τὴν ἀκμὴν ἴσχει τῆς κινήσεως) ; or les projectiles se meuvent dans une direction intermédiaire entre la verticale

  1. Simplicii In Aristotelis de Caelo commentaria ; in lib. Il, cap. VI ; éd. Karsten, p. 190, col. b ; éd. Heiberg, pp. 423-424.