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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

» Item. Ce qui reçoit intensité ou affaiblissement [dans son mouvement] selon qu’il s’approche ou s’éloigne d’une chose est mû par cette chose ; mais un grave se comporte de cette façon à l’égard de son lieu ; ce grave est donc mû par son lieu. La mineure [de ce syllogisme] est évidente ; en effet, plus le grave approche de son lieu naturel, plus vite il se meut et, partant, plus intense est son mouvement ; au contraire, plus il est distant de son lieu, plus il se meut lentement et, partant, plus faible est son mouvement.

» Au contraire : La fin ne meut pas en vérité ; elle n’est motrice que d’une manière métaphysique. Or le lieu meut à titre de fin. Il ne meut donc pas en vérité.

» Item. Le lieu est extérieur au corps logé ; il mouvrait donc ce corps, alors qu’il lui est extrinsèque ; un tel mouvement serait un mouvement violent, et non pas un mouvement naturel, ce qui est faux.

» Pour répondre à cette question, il faut observer que, pour un corps grave ou léger, il y a deux moteurs ; l’un meut en vérité, l’autre meut seulement d’une manière métaphysique et selon notre conception. À son tour, le moteur qui meut en vérité est double ; il comprend le moteur principal et un moteur qui excite seulement.

» Nous dirons donc que le lieu meut un corps grave ou léger, d’une part, d’une manière métaphysique et, d’autre part, non pas à titre de moteur principal, mais seulement à titre d’excitateur. Quant à l’agent ou moteur principal, c’est la forme matérielle ou immatérielle du grave.

» Que le lieu meuve d’une manière véritable, tout au moins à titre d’excitateur, cela est rendu évident par la troisième raison. En effet, par la plus grande proximité du lieu, la vertu du grave se trouve excitée par la vertu du lieu, et le grave se meut plus facilement et plus vite.

» Ce que nous venons de dire fournit la solution des raisons invoquées de part et d’autre.

» À la première raison, on répondra que le lieu est cause du mouvement non seulement à titre de cause finale, mais encore à titre de cause efficiente excitatrice. Or la proposition invoquée doit être entendue de la cause efficiente. Le raisonnement procède donc d’une manière concluante.

» Semblablement, la réponse à l’autre argument est évidente. Le lieu meut, en effet, d’une part, à titre de cause finale et, d’autre part, à titre de cause efficiente excitatrice ; mais c’est