Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
236
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

l’enseignement très certain et très constant d’Aristote. Mais il ne se contente pas de cet enseignement ; il va plus loin.

« Il semble, dit-il, que l’air, par son mouvement propre, soit nécessaire à l’existence même du mouvement naturel ; et là est la difficulté. »

Le Commentateur rappelle qu’Aristote, au septième livre de sa Physique, exige, en tout mouvement, la distinction du moteur et du mobile. Un être ne pourra se mouvoir de lui-même que s’il est possible, en lui, de distinguer ce qui meut de ce qui est mû ; les êtres vivants sont les seuls où ne se puisse marquer une telle séparation.

« Mais, nous l’avons dit, on ne peut diviser une pierre en moteur et mobile, de telle façon que chacun d’eux existe d’une manière actuelle.

» La pierre ne peut être mue que de façon accidentelle par le principe qui existe en elle, car elle n’a d’existence que par ce principe. Si la pierre, en effet, est mobile, c’est parce qu’elle est en puissance d’un lieu inférieur, et si elle est moteur, c’est parce qu’elle est pesante. Si donc.elle était mue essentiellement et par elle-même, c’est en tant que grave qu’elle serait chose mue ; mais nous avons déjà admis que, si elle est essentiellement moteur, c’est seulement en tant que grave ; c’est donc de la même manière qu’elle serait essentiellement moteur et chose mue, ce qui est impossible.

» Partant, ici, la pierre n’est pas chose mue d’une manière essentielle, et elle n’est pas non plus moteur qui meuve d’une manière essentielle.

» Mais, dès lors [il faut qu’elle se meuve elle-même d’une manière accidentelle]. Or une chose ne peut se mouvoir elle-même d’une manière accidentelle, à moins de mouvoir essentiellement un mobile autre qu’elle-même. Par exemple, l’homme qui est dans un bateau ne se peut mouvoir accidentellement lui-même, à moins de mouvoir le bateau d’une manière essentielle. La pierre, donc, ne peut mouvoir essentiellement que l’air au sein duquel elle est plongée et, par là, elle se meut [accidentellement] elle-même, parce que le mouvement qu’elle se donne est conséquence du mouvement de l’air, comme le mouvement de l’homme dans le bateau [est conséquence du mouvement du bateau].

» S’il en est ainsi, l’air ou l’eau est nécessaire au mouvement [naturel] de la pierre. Voilà ce que nous avions, dans notre