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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

serait possible sans ce secours, mais que cette aide améliore le mouvement.

» Ce secours de l’air est manifeste dans le mouvement d’un corps qui est mû violemment ; mais, dans le cas du corps mû violemment, il est également manifeste que cet adjuvant est nécessaire, attendu que le corps continue de se mouvoir après que le moteur est revenu au repos.

» Laissons cette discussion jusqu’au moment où nous aurons achevé l’exposition du chapitre. »

Averroès présente alors la théorie péripatéticienne du mouvement violent des projectiles :

« L’air, dit-il, est, à la fois, grave et léger ; bien que les deux mouvements soient en sens contraire, il les aide tous deux parce qu’en lui, existent, en même temps, la pesanteur et la légèreté ; par sa pesanteur, donc, il vient en aide au grave, et par sa légèreté, au léger. Lorsque celui qui lance une pierre la meut de bas en haut, il pousse en même temps vers le haut l’air qui porte la pierre, en vertu de la légèreté qui réside dans cet air ; après qu’il est séparé de celui qui a lancé la pierre, l’air garde en lui le mouvement qui lui a été communiqué, et cela en vertu du principe de légèreté qu’il possède en lui-même ; il est chassé par la pierre et, en retour, il la chasse…

» Nous disons que l’air est, à la fois, grave et léger parce qu’il est intermédiaire entre le grave et le léger… Parce qu’il est à la fois grave et léger, il vient en aide aux deux sortes de mouvements…

» Ainsi le moteur n’a pas besoin d’accompagner le corps mû de mouvement accidentel ; il n’est pas nécessaire que le moteur demeure avec le mobile jusqu’à la fin du mouvement ; lors même que le moteur sera revenu au repos, le mobile continuera d’être mû, parce que l’air le maintiendra en mouvement ; dans cet air, en effet, le principe du mouvement qu’il a reçu du moteur extrinsèque demeure après l’éloignement de ce moteur ; l’air demeure en mouvement par lui-même, en vertu du principe naturel, de la gravité ou de la légèreté, qui réside en lui ; s’il n’en était pas ainsi, la pierre tomberait au moment même qu’elle quitte le moteur qui la lance, car la pierre n’a point en elle un principe de légèreté. »

L’air mis en branle ne vient donc pas seulement en aide au mouvement violent ; il est, de ce mouvement, l’instrument nécessaire ; en l’affirmant, Averroès ne fait que reproduire