Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/235

Cette page n’a pas encore été corrigée
232
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

lération que les Anciens avaient observée dans la chute des poids.

Averroès ne nous dit pas comment il rendait compte de cette accélération et ce qu’il dit nous le laisserait malaisément deviner.

En termes presque aussi explicites que ceux de Thémistius, il déclare[1] « que la cause pour laquelle des choses diverses se meuvent avec des vitesses différentes est la diversité qui existe en leur inclination, c’est-à-dire en leur gravité ou en leur légèreté ; il en résulte que plus un corps est grave ou léger, plus il se meut rapidement ; il est, d’ailleurs, manifeste que cette proposition peut être renversée et que, plus le corps est rapide en son mouvement, plus il doit être grave ou léger ; s’il en est ainsi, lorsque la vitesse sera infinie, la pesanteur ou la légèreté sera aussi infinie. »

Mais Averroès ne suit pas davantage l’avis de Thémistius et de Simplicius ; il n’admet pas que le poids d’un corps varie avec sa distance au centre du Monde. « Sachez à ce sujet », dit-il[2], « que la proximité et l’éloignement n’ont aucune influence, si ce n’est dans les mouvements des corps qui se meuvent sous l’action d’une cause extérieure, car alors ces corps peuvent être proches ou éloignés de leur moteur. » Lorsqu’un morceau de fer est attiré par l’aimant, l’attraction qu’il éprouve est d’autant plus grande qu’il est rapproché de la pierre qui le meut. On n’observe rien d’analogue lorsque l’on considère le poids d’un grave, car le grave porte en lui-même le principe de son mouvement.

Il ne faut pas, en effet, au dire du Commentateur[3], confondre l’attraction que le lieu exerce sur le grave avec l’attraction que l’aimant exerce sur le fer ; encore que ces deux actions portent improprement l’une et l’autre le nom d’attractions, elles diffèrent grandement l’une de l’autre : « Toute attraction en laquelle le corps attirant demeure immobile, tandis que le corps attiré se meut n’est pas, en réalité, une attraction. Le corps attiré se meut de lui-même vers ce qui l’attire, en vue de sa propre perfection. Ainsi en est-il de la pierre qui descend, du feu qui monte ; et l’on doit entendre qu’il en est de même du mouvement du fer vers l’aimant… Mais il existe une différence entre

1. Aristotelis De Cælo… cum Averrois Cordubensis variis… commerdartts, lib. I, summa VIII, cap. IV, comm. 88.

2. Averroès, loc. cil., cap. III, comm. 81.

3. Aristotelis De physico audita libri octo cum Averrois Cordübensis variii in eosdem. commentariis ; lib. VII, summa III, comm. 10.

  1. 1
  2. 3
  3. 3