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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

ment d’un corps requiert la présence actuelle du mobile. « Une fois le projectile lâché, l’instrument de jet ne lui infuse plus le mouvement d’une manière actuelle. Quant à la force d’impulsion (virtus impulsionis), elle ne saurait jouer le rôle de jnoteur ; elle n’est qu’un accident reçu par le mobile ; elle peut bien, pour ce mobile, être la raison pour laquelle il est mû par autrui ; elle ne peut être la raison en vertu de laquelle il se mouvrait lui-même. Il est d’autant plus nécessaire de parler ainsi de cette vertu qu’elle ne pose, dans le mobile, aucune réalité ; elle y met seulement une intention (intentio) déterminée qui a pour objet le lieu auquel tend le projectile… À cause de sa faiblesse, une telle intention périrait aussitôt, si elle n’était conservée par quelque agent qui la maintient. »

Notre auteur songe alors à une supposition qu’à l’imitation de Bacon, il a développé au sujet de la chute des graves ; ne pourrait-on supposer que cette intention, moteur insuffisant par lui-même, devient capable de mouvoir le projectile si l’influence céleste lui donne force et persistance ?

« On ne saurait dire que le corps céleste conserve cette vertu imprimée et qu’il conserve le mouvement du projectile, en vertu de la détermination que lui a conférée l’instrument de jet par la direction qu’il a choisie. La cause génératrice universelle, en effet, ne conserve l’existence d’une chose que par la continuelle influence qu’elle exerce sur cette chose… Or, pour qu’une chose puisse éprouver l’influence de la cause génératrice universelle, qui est un agent naturel, il faut que ce soit une chose naturelle ; mais la vertu imprimée au projectile par l’instrument de jet ne pose rien de naturel ; sinon le mouvement de projection serait un mouvement naturel ; car nous appelons mouvement naturel tout mouvement qui résulte d’une forme naturelle. Puis donc que le mouvement de projection n’est pas un mouvement naturel, il nous faut dire que la force d’impulsion imprimée par le corps projetant n’est pas, directement et principalement, maintenue dans le mobile par l’influence de la cause génératrice universelle ; dans ce maintien, toutefois, cette influence intervient, mais d’une manière secondaire et indirecte, comme nous le verrons plus loin…

» Étant donné que la cause génératrice universelle n’agit pas directement, il nous faut trouver quelque chose d’autre ; or seule, semble-t-il, le milieu peut agir pour conserver cette vertu ; c’est donc lui qui infuse le mouvement au projectile, tant que dure le mouvement de projection. »