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LE MOUVEMENT DES PROJECTILES


IX
La théorie du mouvement des projectiles à l’Université
de Padoue. Graziadei d’Ascoli


Si l’hypothèse de l’impetus semble avoir été ignorée à l’Université d’Oxford, elle ne paraît pas avoir été reçue avec faveur à l’Université de Padoue, du moins si nous en jugeons par l’enseignement de Graziadei d’Ascoli. Celui-ci la rejette[1] pour s’en tenir, au sujet du mouvement des projectiles, à la théorie d’Averroès et de Saint Thomas d’Aquin ; à titre de souvenir des doctrines physiques de Roger Bacon, dont il semble s’être profondément pénétré, il complique cette théorie par l’intervention de la cause génératrice universelle, c’est-à-dire de l’influence céleste.

« Il ne semble pas, dit notre auteur, qu’on puisse sauver le mouvement des projectiles, parce que les parties de l’air se pousseraient les unes les autres en même temps qu’elles pousseraient la pierre ou la flèche ; supposons, en effet, qu’une flèche soit lancée contre le souffle impétueux d’un grand vent ; elle se mouvra contre l’impétuosité de ce grand vent ; il ne semble pas, cependant, que les parties de l’air se puissent mouvoir l’une l’autre, contre l’impétuosité du vent qui pousse l’air en sens contraire, pendant toute la durée du mouvement de la flèche.

» Aussi, pour cette raison et pour d’autres semblables, certains prétendent que le mouvement des projectiles ne se sauve pas, comme le veut Aristote, au moyen de cette impulsion successive de l’air par l’air ; il se sauve, à leur gré, au moyen d’une certaine force qui est imprimée (vis impressa) dans le projectile, par ce qui le lance. Cela se voit, disent-ils, d’une façon plus manifeste dans le mouvement de la toupie ; comme ce mouvement n’est pas rectiligne, on ne saurait dire qu’il est ainsi produit au moyen d’une impulsion successive de l’air par l’air. »

Graziadei trouve cette supposition insuffisante. Le mouve-

  1. Preclarissime questiones litterales edite a fratre Gratiadeo Esculano sacri ordinis predicatorum super libros Aristo. de physico auditu : secundum ordinem lectionum Divi Thome Aquinatis. Lib. VIII, lect. VIII, quæst. II ; éd. Venetiis, 1503, fol. 94, verso, et fol. 95, col. a.