Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

est donc distincte du mouvement local comme la cause l’est de l’effet. »

En second lieu, cette qualité doit-elle être rangée au nombre des réalités successives ou bien doit-elle être considérée comme une réalité permanente ? Marsile tient ce dernier parti, et voici pourquoi : « Lorsqu’une balle frappe le sol, elle y demeure quelque temps en repos avant de rebondir. Il est vrai, ajouta-t-il, qu’elle n’y reste pas longtemps. » On voit que le maître parisien a reconnu à cet impetus l’aptitude à demeurer un certain temps dans un corps à l’état latent ; nous dirions aujourd’hui à l’état d-’énergie interne ; pendant ce temps, l’impetus ne se manifeste par aucun mouvement local ; puis, après ce repos, il peut de nouveau mouvoir le corps.

Tous les impetus sont-ils essentiellement semblables, sont-ils de la même espèce spécialissime ? « Il est évident que non. Considérons l’impetus qui meut un grave vers le haut ; la forme du grave, unie à la gravité détruit cet impetus. Au contraire, dans un grave qui tombe l’impetus qui accélère le mouvement de ce grave vers le bas est conservé et produit par cette même forme. Cela ne serait pas si ces deux impetus étaient essentiellement semblables et de même espèce spécialissime.

» En outre, des formes de même espèce spécialissime ont même effet ultime ; mais il n’en est pas ainsi des impetus… Un impetus, celui du projectile lancé vers le haut, pousse en haut ; un autre, celui du grave qui tombe, pousse en bas.

» Mais, direz-vous, l’impetus de la balle qui tombe meut aussi vers le haut [lorsque cette balle rebondit]. On vous répondra : C’est par accident ; par nature, en effet, l’impetus meut toujours pourvu qu’il le puisse faire ; si donc, à l’aide d’un obstacle, on l’empêche de mouvoir vers le bas, il mouvra désormais vers le haut, mais par accident. Ainsi, de lui-même, le rayon incident marcherait toujours en ligne droite ; mais s’il en est empêché par un milieu réfléchissant ou réfringent, il se réfléchit vers la région d’où il vient ou, du moins, il ne passe qu’en se brisant…

» Les impetus violents eux-mêmes ne sont pas tous de même espèce… Tel de ces impetus, en effet, est de nature telle qu’il meuve de soi en ligne droite ; ainsi en est-il de l’impetus de la flèche. Tel autre meut circulairement ; ainsi en est-il de l’impetus de la meule du forgeron…

» Souvent la différence essentielle et spécialissime entre ces impetus violents provient de la façon diverse dont ils sont imprimés. Cela est évident. Si vous lancez un toton en ligne