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LE MOUVEMENT DES PROJECTILES

principe qui est intrinsèque au mobile ; il est donc naturel. Je répondrai en niant que la conséquence résulte de la prémisse ; [pour que le mouvement soit naturel], en effet, il est en outre requis que l’inclination naturelle du mobile ne soit pas de sens opposé [au mouvement causé par le principe intrinsèque]. »

Les Subtilissimæ quæstiones in libros de Cælo et Mundo composées par Maître Albert de Saxe sont datées de 1368. En 1377, Nicole Oresme commentait en français le même Traité du Ciel et du Monde. Ce commentaire lui donnait occasion de présenter[1], au sujet du mouvement des projectiles, une théorie que nous analyserons en détail au prochain chapitre. Il attribue la continuation du mouvement des projectiles à « une qualité motive novelle, laquelle nous povons nommer force ou rèdeur » ou encore impétuosité.

« Et par ceste manière, et non par autre quelconque, l’on peut rendre cause de toutez les enpériences que l’on voit en mouvemens viollens, soit droit en haut ou droit en bas ou en travers ou circulaires, quant à leur isnelleté[2] ou tardifveté, et réflexion et retour, et quant à telles toutez chouses desquelles l’en ne peut assigner autre cause suffisante, si comme j’ay autrefois[3] déclairé plus à plain. »

Des diverses expériences dont F Évêque de Lisieux rend compte, retenons seulement celles qui ont trait à la notion de masse.

« Par ce appert, dit-il, pourquoy une chouse qui est compacte et plus pesante, si comme pierre ou fer ou plum, donne plus fort coup et plus fort ject que une moins compacte, si comme seroit drap ou laine, car la cause est pour ce que telle chouse compacte reçoit plus l’impression de ceste qualité nouvelle qui fait la cressence de I’isnelleté, comme dit, que ne fait autre chose.

» Item, et pourquoy la chouse qui peut estre jectée par une vertu mieux que quelconque autre chouse est de certain pois, tellement que la vertu ne porroit si bien geeter plus pesante ne moins pesante ; et aussi pourquoy plus grande vertu requiert chouse plus pesante quant au mieulx getter, et mendre vertu, moins pesante.

» Et la cause est : car si la chose est trop petite ou trop légière,

1. Nicole Oresme, Traité du Ciel et du Monde, livre II, ch. XIII ; Bibliothèque nationale, fonds français, n° 1083, fol. 66, col. c. et d., et fol. 67, col. a., b. et c.

2. Isnelleté = vitesse.

3. Oresme fait allusion à son commentaire à la Physique, aujourd’hui inconnu.

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