Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/215

Cette page n’a pas encore été corrigée
212
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

coup de matière sous un faible volume (sub pauca magnitudine seu quanditate), un corps rare est celui qui contient peu de matière sous un grand volume. »

À cette objection, le Maître répond :

« On peut fort bien accorder que les corps qui ont une matière dense sont ceux qui contiennent plus de matière sous un moindre volume. »

Mais cette densité elle-même, par quoi se mesure-t-elle ? Au temps où Jean Buridan composait ses questions, on étudiait couramment dans les Écoles un petit ouvrage qui provenait certainement de la science hellène et qu’on attribuait faussement à Archimède. Ce Liber Archimedis de ponderibus, nommé parfois : Archimedis de incidentibus in humidum, se trouve reproduit par un grand nombre de manuscrits du xiiie siècle et du xive siècle[1].

  1. Par exemple, aux manuscrits suivants du fonds latin de la Bibliothèque nationale : Ms. 8680 A (xiiie siècle) ; Mss. 7215 et 7377 B (xive siècle). — Il a été imprimé à deux reprises, au cours du xvie siècle, dans les ouvrages suivants :

    Sphera cum commentis in hoc volumine contentis : Cichi Esculani cum textu, etc. Venetiis, hered. Octaviani Scoti ac soc. 1518.

    Iordani opusculum de ponderositate Nicolai Tartaleæ studio correctum. Venetiis apud Curtium Troianum. MDLXV. Fol. 16, vo, à fol. 19, vo.

    En 1565, l’abbé Forcadel, de Béziers, en publiait une traduction française, dont les démonstrations étaient légèrement paraphrasées, sous le titre suivant :

    Le livre d’Archimede des pois qui aussi est dict des choses tombantes en P humide, traduict et commenté par Pierre Forcadel de Bezies lecteur ordinaire du Roy es Mathématiques en l’Université de Paris. Ensemble ce qui se trouve du Livre d’Euclide intitulé du leger et du pesant traduict et commenté par le mesme Forcadel. À Paris. Chez Charles Perier… 1565.

    Le titre adopté par Forcadel est la traduction exacte de celui-ci, qu’une main du xiiie siècle a mis en marge du texte contenu au Ms. 8680 A de la Bibliothèque nationale (fol. 12, ro) : De ponderibus Archimedis et intitulatur de incidentibus in humidum. Ce titre est relatif à un passage où il est traité de la vitesse des corps tombant dans les fluides. Ce passage manque à tous les textes imprimés et à la plupart des textes manuscrits, notamment à celui que renferme le Ms. 8680 A du fonds latin de la Bibliothèque nationale, n termine le texte contenu au Ms. 7377 B du même fonds.

    Ce titre est également celui que Blaise de Parme, en son Tractatus de ponderibus, donne au même écrit : « Nullum elementum in ejus propria régions pondérât. Hoc dicit Alaminides in tractatu de incid.entibus in liquido ». (Bibliothèque nationale, fonds latin, Ms. 10252, fol. 157, vo).

    Tout semble indiquer que cet ouvrage, comme le De levi et ponderoso attribué à Euclide, est d’origine antique. Il est visiblement incomplet et se terminait sans doute par une description de l’aréomètre. Le texte complet existait peut-être encore au xive siècle et au xve siècle, car Albert de Saxe et Blaise de Parme font suivre d’une grossière description de l’aréomètre les considérations théoriques qu’ils empruntent au soi-disant traité d’Archimède.

    Ainsi complété, ce traité représenterait probablement la source à laquelle a puisé l’auteur latin du Carmen de ponderibusa.

    Maximilian Curtze, qui ignorait tout de cette histoire, a publiéb, en le donnant comme un monument inédit de la Science du xive siècle, le texte qui nous occupe ;