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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

jette, mû par un principe intrinsèque ou par un principe extrinsèque ? »

II commençait par discuter, à peu près dans les termes dont avaient usé ses Questions sur la Physique, les diverses explications que les Péripatéticiens avaient proposées du mouvement des projectiles ; puis, il concluait en ces termes :

« Comme ces apparences et plusieurs autres ne peuvent être sauvées par cette opinion, je crois plutôt qu’au mobile, le moteur n’imprime pas seulement le mouvement, mais, par voie de conséquence, un certain impetus ou une certaine force (vis) ou une certaine qualité (le nom qu’on lui donne importe peu). Cet impetus a pour nature de mouvoir ce à quoi il est imprimé, de même que l’aimant imprime au fer une vertu qui meut le fer vers l’aimant. Plus le mouvement est vite, plus cet impetus se fait intense. Dans le projectile ou dans la flèche, cet impetus se trouve continuellement diminué par la résistance qui lui est contraire, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus mouvoir le projectile.

» Si vous trouviez une autre manière qui puisse sauver, à la fois, l’opinion d’Aristote et les apparences, je tiendrais volontiers cette autre explication. — Si alium modum invenietis ad salvandum opinionem Aristotelis et apparentias simul, ego libenter tenerem modum ilium.

» Conformément à ce qui vient d’être dit se résolvent les objections. Il n’y en a pas d’autres que l’autorité, et celle-ci : Il semblerait que ce mouvement n’est pas violent, mais naturel, puisqu’il vient d’un principe intrinsèque et inhérent au mobile. Mais à cela on répond qu’au corps pesant, l’impetus a été imprimé par une violence, et qu’il incline ce grave en sens contraire de son inclination naturelle ; cet impetus a été imprimé par un principe extrinsèque auquel le patient ne conférait aucune force ; tont, ici, doit donc être regardé comme violent, Yimpetus et le mouvement qui en provient.

» Quant aux autorités, je ne vois qu’un moyen de les résoudre ; c’est de les nier. — Auctoritates nescirem solvere nisi negando eas. »

Arrêtons-nous un instant à examiner la théorie du mouvement des projectiles que nous venons d’entendre développer.

On ne saurait trop admirer la précision avec laquelle Buridan a défini cette qualité à laquelle il donne le nom d’impetus.

Pour un mobile donné, cet impetus est d’autant plus grand que la vitesse communiquée à ce corps est plus grande. « Plus