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LE MOUVEMENT DES PROJECTILES

» De même qu’un corps lucide qui engendre de la lumière donne de la lumière réfléchie si un obstacle lui est opposé, de même, à la rencontre d’un obstacle, cet impetus produit un mouvement réfléchi. Il est vrai que d’autres causes concourent avec cet impetus à produire un mouvement réfléchi de long parcours. Par exemple, une de ces causes est celle grâce à laquelle une de ces balles dont nous nous servons pour jouer à la paume rebondit plus haut qu’une pierre, après avoir frappé la terre, et cela alors même que la pierre est tombée à terre avec plus de vitesse et d’impétuosité. Beaucoup de corps, en effet, peuvent être courbés ou comprimés sur eux-mêmes par violence ; ces corps ont la propriété de revenir très rapidement à leur rectitude première ou à la disposition qui leur convient ; en ce retour, ils peuvent tirer ou pousser avec impétuosité un corps qui leur est joint ; c’est ce qui apparaît en l’arc. Ainsi, lorsque la balle frappe la terre dure, elle est comprimée sur elle-même à cause de l’impetus de son mouvement ; immédiatement après, elle revient à sa sphéricité ; en se relevant ainsi, elle acquiert un impetus qui la meut en l’air à une grande hauteur.

» De même une corde de cithare que l’on a fortement tendue et que l’on a frappée demeure longtemps agitée d’un tremblement grâce auquel elle émet un son d’une certaine durée, et voici comment cela se fait : Après que le coup dont elle a été frappée l’a incurvée violemment d’un certain côté, elle revient si rapidement à sa rectitude première qu’elle dépasse cette rectitude, à cause de l’impetus, et s’en écarte en sens contraire ; elle revient alors en arrière et recommence un grand nombre de fois. C’est par une cause semblable qu’une cloche continue à se mouvoir tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, fort longtemps après qu’on a cessé d’en tirer la corde ; on ne peut l’arrêter facilement ni rapidement.

» Voilà ce que j’avais à dire sur cette question ; je me réjouirais que d’autres trouvassent à lui faire une réponse plus probable. »

Dans ses Questions sur le traité du Ciel et du Monde, Buridan examinait de nouveau ce problème[1] :

« La pierre jetée, la flèche lancée par l’arc, et les autres corps semblables, sont-ils, après avoir quitté le moteur qui les pro-

1. Questiones super libris de Celo et Mundo magistri Johannis Buridani, rectoris Parisius. Lib. III, quæst. II. Utrum lapis projectus vel sagitta projecta ab arcu, et sic de consimilibus moveatur a principio intrinseco vel a principio extrinseco. Bibliothèque Royale de Munich, Cod. lat. 19551, fol. 101, col. b, c. et d.

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