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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Fidèle péripatéticien, Jean de Jandun ne manque pas de partager le sentiment d’Aristote et du Commentateur au sujet du mouvement des projectiles. « La première cause du jet[1], tel que l’arc ou la main, meut le projectile et meut, en même temps, une certaine partie du milieu, c’est-à-dire de l’air ou de l’eau ; et cette partie garde la force motrice (virtus movendi) lorsque la première cause du jet s’est arrêtée. En effet, en ces corps qui n’ont pas de termes fixes, comme l’air et l’eau, il peut arriver, au dire d’Aristote et du Commentateur, qu’ils reçoivent la vertu de mouvoir même lorsque le premier moteur s’est arrêté. »

Averroès avait dit que l’air, même lorsqu’il n’est plus au contact de l’instrument de jet, continue à être mû par sa forme propre. Cette forme propre, c’était, pour lui, la compressibilité. Gilles de Rome a très exactement interprété dans ce sens la théorie du Commentateur. Lorsqu’il prétend reproduire cette théorie[2], Walter Burley est moins heureusement inspiré ; il veut que cette forme naturelle par laquelle l’air se maintient en mouvement, ce soit « cette puissance- de légèreté qui est innée en lui. » Le mouvement du projectile est donc entretenu par le mouvement de l’air, soit que l’on invoque l’ἀντιπερίστασις, soit « que le projectile séparé de la machine de jet soit mû par l’air que meut sa forme naturelle, c’est-à-dire sa légèreté. »

En un autre passage[3], il est vrai, Burley ne parle plus de cette légèreté de l’air. Il explique le mouvement du projectile par l’onde qui se propage dans l’air, onde qu’il assimile, comme le Commentateur, à celles qui rident la surface de l’eau. « Et si l’on demande par quoi le milieu est mû lorsque le premier moteur est revenu au repos, je réponds qu’après l’arrêt de ce moteur, la première partie du milieu se meut elle-même en se raréfiant ; elle meut ainsi la seconde partie, et aussi le projectile ; il en est de même des parties suivantes. »

Tout aussitôt, d’aillèurs, Burley ajoute : « Selon quelques-uns, on doit entendre que le mouvement du projectile se fait de la manière suivante : Après qu’il s’est séparé du premier moteur, le projectile, par sa partie antérieure, divise l’air vio-

1. Joannis de Janduno Super octo libros Aristotelis de physico auditu subtilissimæ quæst ion.es ; lib. VII, quæst. IV. Ed. Venetds, 1551, fol. 97, col. b.

2. Burleus Super octo libros physicorum, lib. IV, tra<_t. II, cap. III ; éd. Venetils, 1491, premier fol. après le fol. sign. n. 4, col. c.

3. Burleus Op. laud., lib. VIII, tract. IV, cap. unicuni ; éd. cit., fol. sign. DD. 3., ool. d.

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