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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

La théorie de Gilles de Rome est composée de la pensée d’Averroès et de celle de Saint Thomas ; elle a toute la clarté dont le Maître augustin est coutumier.

Gilles procède en posant et résolvant certaines questions qu’il nomme doutes (dubia).

Premier doute : Un moteur ne meut que parce qu’il est lui-même en mouvement. S’il vient à s’arrêter, l’objet qu’il mouvait devra-t-il, lui aussi s’arrêter aussitôt ?

Gilles pose une distinction : Ou bien ce moteur communique un mouvement purement local ; ou bien le mouvement local qu’il communique est associé à un mouvement d’altération, à un mouvement qui consiste en l’introduction d’une forme nouvelle dans le mobile T.

Dans le premier cas, dans le cas où le mouvement communiqué par le moteur est purement local, le mobile doit s’arrêter au moment même où le moteur s’arrête.

Il n’en est plus de même lorsque le moteur altère le mobile, lui confère une nouvelle forme.

Par exemple, la cause qui engendre un corps grave lui confère une certaine forme ; aussi ce corps continuera-t-il de se mouvoir vers le bas même après que la cause génératrice aura cessé d’agir.

De même qu’en frottant deux corps l’un contre l’autre, on échauffe l’air qui les environne ; cet air échauffé va monter, et il continuera de monter même après que l’on aura arrêté le frottement ; le mouvement se poursuit après l’arrêt du moteur par cette forme, la chaleur, qui a été conférée au mobile.

Second doute : L’air et l’eau continueront-ils à se mouvoir par l’impulsion reçue, après arrêt du moteur qui a communiqué cette impulsion ?

Ils ne s’arrêteront pas instantanément, parce que le mouvement qui leur a été communiqué n’est pas un mouvement purement local ; il est mêlé d’un mouvement d’altération, d’un mouvement dont une forme est le terme. « En effet, par suite de l’impulsion reçue, les corps de ce genre se trouvent dilatés en certaines de leurs parties et condensés en d’autres. L’impulsion cessant, chacune de ces parties revient à son état naturel, comme l’eau échauffée reprend sa froideur lorsqu’on l’éloigne du feu ; ces parties de l’air qui ont été dilatées au delà

1. Ægidii Romani In libros de physico auditu Aristotelis commentaria ; lib. VIII lect. XXIX, et dubia 1, 2, 3 et 4. Ed. Venetiis, 1502, fol. 193, ro et vo, et fol. 194, col. a.