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LE MOUVEMENT DES PROJECTILES

lance doivent, pour le physicien, s’entendre de l’impression communiquée à l’air par le moteur ; ces comparaisons peuvent alors être reçues sans que l’on commette la moindre infidélité à la Mécanique d’Aristote et d’Averroès.

Saint Thomas n’a pas admis l’hypothèse qui met dans le projectile même la cause par laquelle celui-ci continue de se mouvoir après qu’il s’est séparé de l’instrument balistique ; du moins a-t-il fait mention de cette hypothèse ; de tous les commentateurs d’Aristote, si l’on en excepte Jean Philopon, Roger Bacon et Thomas d’Aquin sont les seuls qui aient daigné y faire allusion ; les autres n’ont même pas paru songer qu’elle pût venir à l’esprit.

Il est vrai que si le Doctor communis a parlé de cette supposition, c’est pour mettre son lecteur en garde contre la tentation de l’admettre. Aussi ses disciples ne cèderont-ils pas à cette tentation ; ils garderont fidèlement la tradition de la Dynamique péripatéticienne.

Pierre d’Auvergne, par exemple, a terminé le commentaire au Traité du Ciel que son maître avait laissé inachevé ; en un passage où il est fait allusion au rôle que l’air joue dans le mouvement des projectiles, il renvoie purement et simplement[1] à ce qui en a été dit précédemment, c’est-à-dire à l’exposition de Saint Thomas.

Ulric de Strasbourg veut[2] que le moteur demeure toujours conjoint au mobile, aussi bien dans le mouvement d’impulsion que dans le mouvement d’expulsion. « Le mouvement d’impulsion, c’est celui où le moteur ne se sépare jamais de ce qu’il meut ; ainsi en est-il lorsqu’on pousse une pierre en gardant la main sans cesse posée sur cette pierre. Le mouvement d’expulsion c’est celui où ce qui produit l’expulsion abandonne ce qu’il meut ; ainsi en est-il lorsqu’on jette une pierre.


» Dans le premier cas, le moteur, avec sa propre force, demeure toujours conjoint au mobile.

» Dans le second cas, la force de celui qui a jeté la pierre se trouve dans l’air qui meut la pierre à l’aide de cette force ; et cet air demeure toujours conjoint à la pierre. »

1. Libri de celo et mundo Aristotelis cum expositione Sancti Thome de Aquino et cum additîone Pétri de alvernia. Colophon : Uenetijs mandato et sumptibus Nobilis viri domini Octaviani Scoti Civis modoetiensis. Per Bonetum Locatellum Bergomensem. Anno a salutifero partu virginal ! nonagesimoquinto supra millesimum ac quadringeutesimum. Lib. IV, text. comm. 39, fol. 75, col. a.

2. Ulrici de Argentina Tractatus de summo bono, lib. IX, tract. II, cap. XXI ; Bibliothèque nationale, fonds latin, ms. no 15900, fol. 280, col. a.

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