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LE MOUVEMENT DES PROJECTILES

graves ou légers, un corps engendré est mû par la cause qui l’a engendré tant qu’il retient en lui la forme qui lui a été donnée par cette cause ; ainsi en est-il de la semence… Il faut que la chose qui meut et la chose mue soient jointes ensemble au début du mouvement, mais non pas pendant toute ia durée du mouvement, comme on le voit dans le mouvement des projectiles… »

Voici maintenant le second texte[1] :

« Cette vertu qui provient du père et se trouve dans la semence est une vertu permanente et d’origine intrinsèque ; elle ne provient pas de l’extérieur, comme la vertu provenant de la cause motrice qui se trouve dans les projectiles… Toutefois elle est, par un certain côté, semblable à cette dernière. De même, en effet, que la vertu de la cause projetante, parce qu’elle est une vertu finie, ne meut de mouvement local que jusqu’à une distance déterminée, de même la vertu de celui qui engendre ne meut du mouvement de génération que jusqu’à une forme déterminée. »

L’authenticité de ces textes n’est pas douteuse[2]. Or, ils contredisent nettement ceux où Thomas d’Aquin, traitant ex professo du mouvement des projectiles, admet pleinement la théorie péripatéticienne. Cette contradiction n’a pas été sans jeter en quelque embarras divers auteurs qui, après Soto, ont voulu retrouver, aux Quæstiones disputatæ, des allusions à l’hypothèse de l’impetus ; tel Jean de Saint ^Thomas[3].

Des discours où Thomas d’Aquin, pour éclairer une proposition qui n’est pas de Mécanique, parle du mouvement desprojectiles comme tout le monde en parle ne doivent pas, croyons-nous, être mis en balance avec des textes où le même auteur raisonne en physicien et adhère, en termes explicites et motivés, au svstème d’Aristote.

De ces textes, il en est un dont la précision ne laisse rien à désirer ; il se trouve en ce commentaire au troisième livre du

1. Sancti Thom.b Aquinatis Quæstiones disputatæ. De anima quæstio unica ; art. XI : Utrum in homme anima rationalis, sensibilis et vegetabilis sit una substantîa.

2. Sur l’authenticité des Quæstiones disputatæ, voir : J. Quétif et J. Éghard, Scriptores ordinis Prædicatorum, t. I, pp. 288-289. P. Mandonnet, Des écrits authentiques de Saint Thomas d’Aquin. (Revue Thomiste, 1909-1910).

3. Rml P. Joannis a Sancto Thoma, ordinis prædicatorum, Cursus philosophicus Thomisticus, secundum exactam, veram et genuinam Aristotelis et Doctoris Angelici mentem. Quæstiones et articuli super octo libros physicorum. Circa librum octavum, de motus æternitate et reductione in primum motorem, qæst. XXIII : De motu naturalium et projectorum. Art. 2 : Qua vi moveantur projecta ?

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