Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/185

Cette page n’a pas encore été corrigée
182
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

certaine vertu motrice imprimée par celui qui l’a lancé, un certain impetus en vertu duquel ce corps continue de progresser pendant un certain temps. Ainsi en est-il dans le passage suivant[1] :

« De même si un ballon ou une balle est renvoyée par une muraille, la muraille ne meut ce corps que par accident, et non à proprement parler (per se) ; ce qui le meut à proprement parler, c’est celui qui l’a lancé ; ce n’est pas la muraille, en effet, qui lui a donné un impetus capable de le mouvoir, mais celui qui l’a lancé ; mais, par accident, il est arrivé que la muraille l’a empêché de se mouvoir selon cet impetus ; et comme ce même impetus subsistait, il a rebondi d’un mouvement contraire. »

L’emploi, au cours de semblables comparaisons, d’expressions conformes au sens commun mais contraires à la Physique d’Aristote a pu, parfois, tromper sur la pensée véritable de Saint Thomas d’Aquin.

Certains de ses disciples, tel, au xvie siècle, l’illustre frère prêcheur Dominique Soto, avaient renoncé à l’étrange Dynamique d’Aristote ; avec Jean Philopon, avec les physiciens de l’École parisienne du xive siècle, ils attribuaient le mouvement du projectile non pas à l’air mis en branle, mais à un impetus imprimé au mobile par celui qui l’a lancé. Us souhaitaient d’attribuer à leur maître vénéré cette opinion qui avait leurs préférences ; et il leur arrivait de rencontrer des textes qui paraissaient les y autoriser, tels les deux suivants, qu’invoque Dominique Soto[2] :

En l’un comme en l’autre de ces deux textes, il s’agit, pour Thomas d’Aquin, d’expliquer comment la semence conserve la puissance d’engendrer que le mâle lui a communiquée. Voici le premier passage[3] :

« On regarde un instrument comme mû par l’agent qui a été le principe de son mouvement, tant qu’il retient la vertu qui a été imprimée en lui par cet agent principal ; ainsi la flèche est mue, parce qui l’a lancée tant que dure la force de l’impulsion de l’agent qui l’a lancée. De même, parmi les corps

1. Sancti Thomæ Aquinatis Op. laud., lib. VIII, lect. VIII.

2. Reverendi Paîris Dominici Soto Segobiensis Theologi ordinis prædicatorum Super octo libros Physicorum Aristotelis Quæstiones. Salmanticæ. In ædibus Dominici a Portonariis, Cath. M. Typographi. MDLXXII. In lib. VIII quæst. III ; fol. 100, col. d. (La première édition de cet ouvrage a été donnée à Salamanque en 1545).

3. Sancti Thomæ Aquinatis Quæstiones disputâtes. De potentia Dei quæst. III : De creatione. Art. XI : Utrum anima sensibilis vel vegetabilis sit per creationem vel traducatur ex géminé.

  1. 1
  2. 2
  3. 3