Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/183

Cette page n’a pas encore été corrigée
180
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

le Commentateur, celle qui attribue aux fluides, à l’exclusion des solides, le pouvoir de garder le mouvement qui leur a été communiqué, et qui confie à cette propriété le soin d’entretenir le mouvement des projectiles. C’est ce qu’il fait dans sa dernière question.

« Le milieu, dit-il[1], ne reçoit pas immédiatement le mouvement de l’instrument qui a produit le jet ; il le reçoit du projectile ; il se meut donc du même mouvement que le projectile, partant, à la partie antérieure du projectile, devant le projectile ; mais un tel mouvement, qui précède le projectile, qui se fait dans sa partie antérieure ne saurait causer le mouvement du projectile ; il l’empêche plutôt.

» En outre, le milieu ainsi mû de son mouvement propre, parce qu’il est fluide, se meut en tout sens, tandis que le projectile est supposé se mouvoir de l’occident vers l’orient. Mais ce n’est pas n’importe quel mouvement qui peut être cause du mouvement du projectile ; il faut que ce soit un mouvement accompli dans le sens de la marche du projectile, et non pas devant ce corps, mais derrière ; ce mouvement n’est donc pas autre chose que le rejet en arrière des parties du milieu qui se fait à la partie postérieure du projectile et dans le sens où marche celui-ci. Evidemment donc le mouvement que le milieu possède ou retient en lui ou dans ses parties, se faisant en tout sens, ne peut être la cause du mouvement du projectile, qui se fait dans un sens bien déterminé. À moins que les tenants de cette opinion n’appellent mouvement du milieu ce retour en arrière des parties du milieu qui, seul, se fait dans le sens où va le projectile, c’est-à-dire vers l’orient, et cela à la partie postérieure… Si donc on n’entend pas le langage du Commentateur et de ceux qui soutiennent cette thèse comme désignant ce retour en arrière des parties dans le sens de la marche du projectile, ce qu’ils admettent n’est point exact. Partant, bien que le milieu, parce qu’il est fluide, puisse retenir le mouvement et le communiquer à ses diverses parties, ce n’est pas, cependant, par ce mouvement-là, qu’il meut le projectile ; car ce mouvement-là se fait en tout sens, et celui du projectile, non. »

Au cours des ouvrages composés après son entrée dans l’ordre des mineurs, Roger Bacon n’a pas, à notre connaissance, traité spécialement du mouvement des projectiles ; mais il lui arrive de laisser deviner incidemment quelle est son opinion à ce sujet ;

  1. Ms. cit., fol. 65, col. c.