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LE MOUVEMENT DES PROJECTILES

« Le projectile, écrit notre maître ès-arts[1], divise les parties du milieu qui est continu ; ces parties reviennent en arrière (reinclinantur) avec impétuosité ; elles poussent donc le projectile impétueusement et avec quelque violence. Ainsi la-dite thèse est bonne. »

Si nous voulons, d’ailleurs, connaître exactement de quelle façon notre auteur imagine ce retour en arrière, cette reinclinatio des parties de l’air, il nous suffira de lire la réponse qu’il fait tout aussitôt à une objection.

Cette objection était la suivante : Ce retour en arrière des particules de l’air est un retour de ces parties à leur lieu naturel ; c’est un mouvement naturel, partant un mouvement accéléré ; il devra donc communiquer au projectile un mouvement accéléré, ce qui n’est pas.

À cette objection, voici la réponse :

« Ce retour en arrière des parties de l’air se peut faire de deux manières.

» Supposons, par exemple, que le projectile se meuve de l’occident vers l’orient. Certaines parties du milieu, divisées, sont rejetées en arrière (reinclinantur) sur les côtés, sur le côté boréal et sur le côté austral ; la division et la séparation faites dans cette région sont violentes ; alors, le retour en arrière des parties de l’air à partir de ces points latéraux est naturel ; il est accéléré ; aussi n’est-ce pas lui qui produit le mouvement continu du projectile ; c’est lui qui donne sujet à l’objection.

» Mais les parties de l’air peuvent aussi être rejetées en arrière (reinclinari) dans le sens de la marche du projectile, c’est-à-dire vers l’orient, puisque c’est vers l’orient que se meut le projectile ; il en est ainsi, dis-je, derrière le projectile ; ce retour en arrière est impétueux et accompagné d’une certaine violence ; c’est lui qui est cause du mouvement de projection ; il ne s’accélère pas vers la fin, mais, au contraire, va s’affaiblissant, attendu qu’il est produit avec impétuosité et violence ; semblablement, le mouvement du projectile, qui doit sa continuation à ce retour en arrière, s’affaiblit vers la fin et vient à défaillir. »

Il est clair que ce que Bacon nomme reinclinatio, c’est ce qu’Aristote nomme ἀντιπερίστασις ; l’explication du mouvement des projectiles par l’ἀντι­περίστασις, rejetée par Aristote et par Averroès, est celle qu’il déclare bonne.

Il lui faut, dès lors, convaincre d’erreur la thèse que soutenait

  1. Ms. cit. ; fol. 65, col. b.