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LE MOUVEMENT DES PROJECTILES

avec la même réserve. On ne saurait affirmer que la force (vis) ou l’impulsion (pulsus) réside plutôt dans le projectile que dans l’air.


III
Les partisans de la Dynamique péripatéticienne au XIIIe et au XIVe siècle


La doctrine que Philopon avait soutenue ne fut point, tout d’abord, celle de la Scolastique latine ; l’autorité d’Aristote, de ses commentateurs hellènes, d’Averroès imposait trop fortement l’adhésion à la Dynamique péripatéticienne pour qu’il fut aisé de la refuser ; cette Dynamique pendant longtemps, ne rencontra aucun contradicteur dans les écoles chrétiennes.

Il y a lieu, toutefois, d’établir une très grande différence entre les commentateurs grecs ou arabes d’Aristote et les maîtres de la Scolastique latine.

Si l’on excepte Jean Philopon, aucun des commentateurs grecs ou arabes d’Aristote n’a admis que le mouvement du projectile fût maintenu par une énergie imprimée au mobile par la main ou l’instrument qui l’a lancé. Il y a plus ; non seulement aucun d’eux n’a admis cette hypothèse, mais aucun d’eux, sauf peut-être Al Bitrogi, n’y a fait seulement l’ombre d’une allusion. Partant, de tous les ouvrages grecs ou arabes que nous connaissons, les commentaires à la Physique d’Aristote composés par Jean d’Alexandrie et la Théorie des planètes d’Al Bitrogi étaient les seuls qui affirmassent ou insinuassent la possibilité d’expliquer le mouvement des projectiles autrement que les Péripatéticiens ne l’avaient fait ; mais la Théorie des planètes ne suggérait cette pensée que d’une manière bien fugitive, dans le seul but de développer une comparaison ; quant aux commentaires de Philopon sur la Physique d’Aristote, il ne semble pas que la Chrétienté latine du Moyen-Age en ait eu connaissance.

Cependant, dès le milieu du xiiie siècle, nous l’allons voir, on connaît et discute, à Paris, l’hypothèse du Grammairien. D’où avait-on tiré cette connaissance, c’est ce qu’il nous a été impossible de reconnaître.