Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/177

Cette page n’a pas encore été corrigée
174
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

tielle de Jean Philopon s’y trouvait condensée. Peut-être est-il le seul germe qui ait semé cette pensée au sein de la Scolastique latine où elle devait, au xive siècle, prendre un si magnifique développement.

Hors ce texte, en effet, les Latins du xiiie et du xive siècle n’en ont, semble-t-il, point connu où le mouvement du projectile fût formellement mis au compte d’une vertu appliquée à la pierre ou à la flèche, ex virtute extensa sagittæ. Ceux qu’ils lisaient se partageaient en deux groupes. Les uns qui étaient, à la fois, les plus nombreux, les plus clairs et les plus autorisés, leur répétaient à l’envi que l’air seul entretenait le mouvement du projectile ; ainsi parlaient les écrits d’Aristote, d’Alexandre d’Aphrodisias, de Thémistius, de Simplicius, d’Averroès. Les autres, usant du commun langage, se laissaient aussi bien interpréter dans ce sens que dans le sens opposé. Tel était le court passage écrit par Hipparque, rapporté par Simplicius, que nous avons examiné[1]. Tel était encore un texte que nous allons citer et qui est de Chalcidius.

Il se trouve dans le Commentaire au Timée de Platon composé par cet auteur.

Chalcidius vient d’esquisser l’une des preuves péripatéticiennes de la rotondité de la terre, celle qui se tire de la chute des graves, toujours dirigée vers le centre du Monde. Il poursuit en ces termes[2] :

« Que tous les corps, quel qu’en soit le poids, se dirigent en hâte vers le centre, voici qui le prouve : La plupart des poids, alors même qu’une violence (vis) venue de l’extérieur leur a été appliquée, sont portés de haut en bas vers la terre, conformément à la nature, aussitôt que la violence a disparu. Ainsi en est-il dans les traits lancés par les machines de guerre[3] ; tant que l’impulsion (pulsus) garde sa vigueur, ces traits volent suspendus, et on les voit couper l’air ;.mais lorsque cette violence (vis) qui les poussait vient à faire défaut, ils tournent leur pointe vers le bas et se mettent à descendre, se hâtant vers la terre, qui est le centre du Monde. »

Ce passage est de tout point conforme à celui d’Hipparque que Simplicius nous a conservé. Il convient de l’interpréter

1. Voir : Première partie, ch. VI, § VI ; t. I, pp. 386-387.

2. Chalcidii V. C. In Platonis Timæum commentarius, LX. {Fragmenta philosophorum græcorum collegit F.G.A. Mullachius ; Parisiis, Ambrosius Firmîn Didot 1867 ; p. 195.)

3. Le texte dit : In jaculorum tormentis ; il semble qu’il faille lire : In jaculis tormentorum.

  1. 1
  2. 2
  3. 3