Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/176

Cette page n’a pas encore été corrigée
173
LE MOUVEMENT DES PROJECTILES

notre propre labeur pour exposer tout ce livre d’Aristote. »

Le Commentateur pouvait, sans ridicule, tirer quelque vanité de ce qu’il avait dit en faveur de la théorie d’Aristote ; mieux qu’aucun de ses prédécesseurs, il avait su pallier l’une des invraisemblances de cette théorie, et pour y parvenir, il avait émis, au sujet du mouvement des fluides, certaines réflexions pleines de justesse.


II

Al Bitrogi et la mouvement des projectiles


Tandis qu’elle trouvait, dans les Commentaires d’Averroès, cette remarquable exposition de la Dynamique péripatéticienne, la Scolastique latine du xiiie siècle n’avait, semble-t-il, aucune connaissance des objections que Jean Philopon avait élevées contre cette Dynamique. Tout au plus, à l’hypothèse du Grammairien, trouvait-elle, en un des livres qu’elle lisait, une allusion brève et peu explicite. Cette allusion se rencontrait dans la Théorie des planètes d’Al Bitrogi.

Voici, en effet, ce qu’écrivait Alpétragius[1] :

« Le corps suprême se trouve séparé de la vertu qu’il a conférée aux orbes célestes tout comme celui qui a lancé une pierre ou une flèche se trouve séparé de cette pierre ou de cette flèche ; celui-ci ne demeure pas uni à la vertu qu’il a conférée à la pierre ou à la flèche afin de la mouvoir ; il continue à la mouvoir, mais au moyen d’une vertu qui demeure appliquée à la pierre ou à la flèche après que le projecteur l’a lancée ; plus la flèche se trouve éloignée de son moteur, plus cette vertu s’affaiblit ; de même que cette vertu se trouve consumée lorsque la flèche tombe, de même la vertu que le mobile suprême confère aux orbes inférieurs va continuellement en s’affaiblissant jusqu’à ce qu’elle parvienne à la terre qui demeure naturellement immobile. »

C’est peu de chose que ce texte. Cependant, la pensée essen¬

1. Alpetragii Arabi Planetarum theorica phisicis ra.tion.ibus probata, imperrime latinis litteris mandata a Calo Calonymos Hebreo Neapolitano. In fine : Vene. tiis in ædibus Luceantonii iunte Florentin ! anno Domini MDXXXI. Mense Ianuario-Fol. 9, recto.

  1. 1