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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

on pas bien souvent, même aujourd’hui, prendre les rides circulaires qu’une pierre engendre dans l’eau tranquille où elle tombe comme un exemple propre à faire comprendre la propagation des ondes sonores ?

Revenons au texte d’Averroès. Le Commentateur va reconnaître ce qu’aucun péripatéticien hellène n’avait osé avouer, qu’attribuer à la compressibilité de l’air le pouvoir qu’a cet air de se mouvoir un certain temps sans l’aide d’aucun moteur étranger, c’est faire de cette compressibilité une sorte de propriété vitale.

« Le fluide, écrit Averroès, est donc une sorte de moyen terme entre une substance spirituelle et une substance corporelle (quasi medium inter esse spirituale et corporale). En tant qu’il tient de la nature spirituelle, ses parties admettent une certaine compénétration ; c’est pourquoi nous voyons que, dans l’eau, des mouvements différents les uns des autres ne se gênent pas les uns les autres. En tant qu’il possède la nature corporelle, ses parties se chassent les unes les autres.

» Par suite de ces deux propriétés, nous jugeons que l’air mis en mouvement se déplace de lui-même tandis que la pierre lancée est nécessairement portée par la translation même de la partie de l’air qui transporte le mouvement ; lorsque cette partie s’arrête, la pierre s’arrête également.

» Cette partie de l’air, d’ailleurs, n’est pas toujours la même ; le mouvement ne se fait pas davantage dans plusieurs parties à la fois ; il se fait, pour ainsi dire d’une manière successive et par transmission d’une partie à une autre partie, tout comme il arrive en ces corps où la chaleur est transmise d’une partie à une autre. D’une manière générale, le mouvement d’une flèche dans l’air ressemble beaucoup au mouvement d’un navire sur l’eau qui le porte ; on croit que ce dernier mouvement est unique, tandis que par suite des ondes qui se produisent dans l’eau, il se compose d’une succession de mouvements ; dans l’air aussi, il se produit une telle succession d’ondes (inundatio).

» Manifestement donc la cause de ce fait que les parties du fluide ne sont pas mises en mouvement toutes ensemble, c’est la pénétration mutuelle dont elles sont capables. »

Averroès revendique pour lui-même la priorité de cette explication : « Il vous faut savoir, dit-il, que l’intelligence de notre exposition ne se tire pas de l’exposition donnée par Thémistius en cet endroit ; et il nous semble que nous n’avons pu, nous même, comprendre parfaitement ce passage que par